C’est sous une neige épaisse que nous avons terminé l’année ornithologique 2011. Samedi le 31 décembre, en sortant de la maison, Christiane a dit : « C’est une belle journée pour voir un épervier et ne pas réussir à l’identifier! ». Et c’est exactement ce qui est arrivé 90 minutes plus tard, un épervier trouvé par Christiane est passé trop rapidement pour nous laisser le temps de l’identifier, surtout avec une visibilité limitée par la neige. Nous n’aurions pas eu ce dilemme il y a quelques années, mais maintenant, l’Épervier de Cooper est à peine plus rare que l’Épervier brun en hiver!
En cette belle journée blanche (mais sans vent, il faut le signaler!), nous avons encore fait notre longue tournée des mangeoires en parcourant à pied la ville de La Pocatière d’un bout à l’autre.
Voici en partie ce que nous avons observé :
- 1 Gélinotte huppée
- 95 Pigeons bisets
- 27 Tourterelles tristes
- 2 Pics chevelus
- 10 Corneilles d’Amérique
- 3 Grands Corbeaux
- 16 Mésanges à tête noire
- 2 Sittelles à poitrine rousse
- 32 Étourneaux sansonnets
- 90 Jaseurs boréaux
- 7 Jaseurs d’Amérique – Il arrive rarement que les deux espèces de jaseurs soient régulières à ce point le même hiver. À noter qu’elles ne se mélangent que rarement.
- 2 Juncos ardoisés
- 8 Chardonnerets jaunes
Dimanche le 1er janvier a été pour nous une journée bien remplie comme nous les aimons. C’est bien sûr en allant voir la vedette du moment dans la région, l’Urubu noir de Bernard, que nous avons commencé l’année 2012. À notre arrivée vers 8 h 00, l’oiseau était déjà sur place, admiré par des observateurs qui avaient fait le déplacement expressément pour lui. D’ailleurs, depuis une semaine, entre 30 et 35 personnes ont profité de leurs congés des Fêtes pour venir voir ce gros oiseau qui pique tant la curiosité des habitants du 3e rang ouest (la plupart prennent la peine de ralentir en regardant avec curiosité ce qui peut bien attirer tant de visiteurs dans un secteur habituellement si tranquille). Une fois son long repas terminé, l’urubu est allé se poser en bordure de la route comme il le fait pratiquement à tous les jours. Il y était encore lorsque nous avons quitté le site vers 9 h 00.
En plus de l’urubu, voici une partie des espèces observées à La Pocatière durant la journée :
- 1 Épervier brun – Peut-être l’oiseau entrevu la veille. Il poursuivait un groupe de Jaseurs boréaux.
- 35 Tourterelles tristes
- 5 Sittelles à poitrine rousse
- 1 Roitelet à couronne dorée
- 115 Étourneaux sansonnets – ils sont présents en bon nombre à La Pocatière cet hiver.
- 8 Becs-croisés bifasciés
Nous nous sommes ensuite rendus à Saint-Onésime, le minuscule village situé au sud de La Pocatière. Depuis plusieurs années, c’est dans les forêts à dominance coniférienne situées derrière ce village que nous débutons nos années ornithologiques. Cet hiver, la curiosité nous y poussait plus qu’à l’habitude puisque nous avions bien hâte de vérifier une chose : est-ce vrai, comme je le supposais, que les fringillidés (durbecs, roselins, tarins et becs-croisés) s’y cachent pour profiter de l’abondance des graines de conifères??? Depuis l’été dernier, nous attendons leur arrivée dans les boisés entourant La Pocatière. Cependant, hormis un petit passage en octobre dernier, ces oiseaux semblent avoir décidé d’éviter à tout prix les forêts situées le long du fleuve. Habituellement, on les note facilement partout autour de La Pocatière durant les années d’abondance de nourriture, mais pas cet hiver… Ils ne peuvent donc se cacher que dans les forêts conifériennes à attendre, j’ignore pourquoi, un signal quelconque pour descendre vers le fleuve.
Une fois rendus sur place, hourra!, les fringillidés sont là! Pas en grande quantité, mais après les avoir cherchés depuis deux mois, nous étions prêts à nous contenter de peu. En fait, il était plutôt difficile de compter précisément les oiseaux qui volaient en tous sens en criant. Les quantités qui suivent pour les fringillidés sont donc des minimums très conservateurs :
- 2 Gélinottes huppées
- 1 Pic chevelu
- 3 Mésangeais du Canada
- 12 Geais bleus
- 6 Mésanges à tête noire
- 3 Sittelles à poitrine rousse
- 50 Plectrophanes des neiges
- 13 Durbecs des sapins
- 10 Roselins pourprés – Au niveau du fleuve, où nous faisons la presque totalité de nos excursions, nous n’en avions pas vus depuis le 13 novembre.
- 30 Becs-croisés bifasciés
- 30 Sizerins flammés
- 9 Tarins des pins
De retour sur le territoire de La Pocatière en début d’après-midi, nous avons fait un autre arrêt chez notre vieux copain Bernard, afin de vérifier si l’Urubu noir avait quitté son perchoir. Effectivement, Bernard l’avait vu s’envoler plus tôt et se diriger vers la forêt située au nord de chez lui, où l’oiseau semble se réfugier entre ses visites à la « mangeoire ». Christiane et moi avons donc décidé d’aller patrouiller cette forêt que nous connaissons d’ailleurs très bien, simplement pour voir s’il était possible de voir où l’urubu se perchait. Les perchoirs dignes d’un urubu y étaient très nombreux, mais un coup de chance inouï m’a fait lever la tête juste au bon moment et au bon endroit où l’oiseau-vedette était visible, haut perché dans un Pin blanc (vous connaissez sans doute ces moments où votre tête et vos yeux s’alignent sans raison avec un oiseau que vous auriez normalement dû rater)! Et voilà, nous étions presque sous un Urubu noir perché dans une pinède à La Pocatière un 1er janvier! Drôle de situation! L’oiseau nous regardait distraitement (du seul œil qui lui reste), aucunement dérangé par notre présence… et, de toute façon, nous n’aurions pour rien au monde fait quoi que ce soit pour le déranger! Après quelques photos, nous nous sommes retirés discrètement… Bernard nous a appris par la suite que son oiseau était retourné se nourrir après notre départ, une sorte de fringale de fin de journée!
Ce même soir, après avoir complété les feuillets d’observations quotidiennes, j’ai rempli ma liste quotidienne comme j’ai commencé à le faire il y a exactement 30 ans. C’est en effet le 1er janvier 1982 que j’ai commencé à noter tous mes oiseaux à tous les jours. Je me souviens qu’en complétant la première colonne de ma première feuille ce soir-là, je m’étais dit : « Maintenant, je vais faire ça à tous les soirs jusqu’à ma mort! ». Drôle de pensée mais, 30 ans plus tard, je dois dire que c’est encore ce que je vise. Elles ne sont pas compliquées mes listes quotidiennes : une simple feuille quadrillée avec les espèces inscrites à l’horizontale et les dates à la verticale. Je fais une petite compilation à la fin de chaque année, m’indiquant le nombre d’espèces, les dates d’arrivée et de départ des migrateurs et le maximum d’individus vus à l’intérieur d’une journée. D’ici deux semaines, je devrais avoir complété cette compilation…
En attendant, il nous reste encore la journée de lundi le 2 janvier à passer sur le terrain. La température devant frôler le point de congélation nous a décidé à tenter notre chance au quai de Rivière-Ouelle. Nous effectuons de courtes visites à cet endroit durant l’hiver, mais la présence des glaces diminue les chances de voir régulièrement des canards et même les goélands y sont rares! Depuis quelques années, le réchauffement climatique faisant son œuvre, les glaces sont de moins en moins présentes et de rares Grands Harles tentent maintenant d’hiverner sur place.
Nous sommes restés au quai durant une heure, pour y noter :
- 2 Eiders à duvet – Mes premiers à vie dans la région en janvier! Leur présence était tout de même attendue puisque nous avions déjà vu 500 individus le 28 décembre 2007 et 300 individus le 24 décembre 2010 à La Pocatière (ces derniers volant en direction sud au-dessus de la ville!).
- 5 Grands Harles
- 1 Buse pattue
- 4 Goélands argentés
- 55 Goélands arctiques
- 2 Goélands bourgmestres
- 8 Goélands marins
- 1 Guillemot à miroir – Une autre espèce que je n’avais jamais vue ici en janvier (même si elle est commune juste en face, sur les côtes de Charlevoix).
De retour à La Pocatière, il aurait été impensable de ne pas aller rendre visite à l’Urubu noir et à Bernard. Nous sommes arrivés, semble-t-il, tout juste après son départ (et de celui d’autres observateurs en visite). Mais, en parlant de choses et d’autres avec Bernard, nous avons fini par repérer l’urubu en vol au-dessus de son boisé-dortoir. Poussé par de forts vents du sud-ouest, il a pris rapidement de l’altitude et s’est éloigné plus que nous l’avions vu le faire jusqu’à maintenant! Christiane en a profité pour nous rappeler, avec justesse, que c’est souvent durant les redoux que nous perdons des oiseaux qui semblaient pourtant prêts à hiverner… Je ne sais pas si l’urubu de Bernard a été revu durant la journée mais, en le regardant s’élever et s’éloigner, nous nous sommes vraiment posés la question : « A-t-il senti que l’heure du départ est arrivée? ». Chose certaine, pour nous, c’est le moment de retourner au travail. Il sera impossible pour Bernard, Christiane ou moi de suivre l’urubu durant la semaine ou de s’assurer que le bloc de gras qui lui sert de mangeoire reste disponible. Pour nous tous, c’est le vrai hiver qui commence…