Notre fin de semaine n’a pas été aussi fructueuse que nous l’aurions voulue! Tout d’abord, samedi le 11 février, un brouillard de neige accompagné de vent a grandement nuit à la visibilité en avant-midi (le moment où nous sommes les plus actifs), ce qui a pour ainsi dire annulé notre journée.
C’est donc sur la journée de dimanche le 12 février que la réputation de la fin de semaine allait se jouer! Nous avions déjà prévu depuis longtemps de visiter les forêts de conifères de l’arrière-pays, question de voir enfin des fringillidés. Parce que, hé oui!, ces derniers se laissent encore désirer en bordure du fleuve. Habituellement, c’est vers le début de février que les provisions de graines de conifères dont ces oiseaux se nourrissent finissent par s’épuiser et que les mangeoires deviennent plus populaires. Mais pas cet hiver! Il faut croire que les quantités de graines produites par les conifères l’été dernier ont été vraiment phénoménales et que, même à la mi-février, les oiseaux ne les ont pas encore épuisées. Ils peuvent donc profiter d’une nourriture abondante sans avoir à quitter l’habitat qu’ils fréquentent en été.
Notre premier arrêt s’est donc effectué au sud du petit village de Saint-Onésime où nous avons été accueillis par les chants et cris de six espèces de fringillidés! Pendant ce temps, à La Pocatière, qui n’est pourtant située qu’à 10 kilomètres de là, nous devons nous contenter d’une seule espèce régulière depuis deux mois! Consolons-nous en pensant que les oiseaux sont tout de même tout près. L’hiver dernier, la pénurie de graines sauvages avait poussé les fringillidés loin, très loin de la région, au point où le Chardonneret jaune, si commun cet hiver, n’était revenu à La Pocatière qu’au début du mois de mai!
Nous sommes demeurés à Saint-Onésime moins de 90 minutes, mais nous avons eu le temps de voir :
- 3 Pics mineurs
- 1 Pic chevelu
- 1 Grand Pic
- 1 Mésangeai du Canada
- 8 Geais bleus
- 10 Mésanges à tête noire
- 2 Mésanges à tête brune
- 3 Sittelles à poitrine rousse
- 1 Grimpereau brun – Il est surprenant de constater à quel point certaines espèces, comme les grimpereaux ou les Roitelets à couronne dorée, sont plus communs les hivers d’abondance de cônes de conifères. Pourtant, ces oiseaux ne sont pas granivores! Est-ce que leur nourriture habituelle, les œufs et larves d’insectes, sont plus faciles à trouver lorsqu’ils y a plus de cônes dans les conifères?
- 35 Durbecs des sapins
- 25 Roselins pourprés
- 2 Bec-croisés bifasciés
- 15 Sizerins flammés
- 15 Tarins des pins
- 15 Chardonnerets jaunes
Une autre preuve de l’abondance de nourriture en forêt cet hiver : les oiseaux ne visitent même pas les mangeoires situées au pied des conifères où ils se nourrissent! C’est tout dire!
En quittant Saint-Onésime, nous passons toujours par un autre petit village : Saint-Gabriel (son nom officiel est Saint-Gabriel-Lalemant mais, localement, Saint-Gabriel ou même Saint-Gab suffisent à l’identifier…). Cette fois, cependant, nous n’avons pas traversé le village en vitesse comme à notre habitude. C’est que, il y a deux semaines, une Paruline à croupion jaune a été trouvée à une mangeoire du village! Nous n’avons attendu que deux petites minutes avant que la courageuse petite vedette se pointe le bout du bec près du bloc de suif qui la maintient en vie. Malgré les -20°C et les bons vents glacials du nord, elle semblait en forme. Il ne lui reste cependant qu’une seule plume à la queue, un signe que malgré l’hiver relativement doux et la nourriture facile d’accès, les temps sont durs pour elle!
C’est toujours agréable pour un observateur de voir un tel oiseau perdu dans le temps. Pour ma part, j’ai déjà observé la Paruline à croupion jaune à quelques reprises durant l’hiver ornithologique (soit entre le 1er décembre et le 28 février). En sortant mes vieilles mentions, certaines tendances que j’avais notées à l’époque me sont revenues à l’esprit. Il est en effet assez remarquable que certaines années sont plus favorables aux tentatives d’hivernage de parulines que d’autres. Est-ce suite à une saison de nidification exceptionnelle? Ou encore à l’abondance inhabituelle de nourriture qui permet à plus d’oiseaux de traverser l’automne au point où certaines s’attardent plus au nord?
Paruline à croupion jaune – Saint-Gabriel (Kamouraska) – 12 février 2012 © Claude Auchu |
Voici donc mes mentions hivernales de Paruline à croupion jaune et ce qui s’est produit ces années-là dans la moitié est du Québec :
- 5 décembre 1982 – Cette année-là, plusieurs Parulines à croupion jaune sont apparues à La Pocatière à la mi-novembre après une éclipse de deux semaines. Par la suite, d’autres ont été vues jusqu’en février à Saint-Joseph-de-la-Rive (Charlevoix), Rimouski, Saint-Aubert (L’Islet) et Portneuf-Station. Ce même hiver, une Paruline des pins a tenté d’hiverner à La Pocatière avant d’être retrouvée morte près de sa mangeoire le 19 janvier (c’est elle qui est photographiée à la page 179 du premier Atlas des oiseaux nicheurs du Québec).
- 8 décembre 1992-18 janvier 1993 – Encore une fois, après être disparue de la région à la fin-octobre, une Paruline à croupion jaune est découverte à La Pocatière en décembre. Il y avait probablement plus d’un oiseau puisque j’ai observé l’espèce à différents endroits dans la ville avant de finalement trouver la mangeoire où un individu a résisté jusqu’à la mi-janvier. La dernière journée où j’ai vu la paruline, elle était encore en grande forme. C’est donc possiblement un prédateur ou un accident qui a tué l’oiseau. Cet hiver-là, d’autres parulines ont aussi été observées jusqu’en janvier à Beauport et à Cap-Saint-Ignace.
- 8 décembre 1997 – Une simple migratrice tardive aux Escoumins.
- 10 décembre 2000-3 février 2001 – Une autre tentative d’hivernage, cette fois aux Escoumins. Et, comme pour l’oiseau de 1992-93 à La Pocatière, la paruline semblait en pleine forme la dernière journée où nous l’avons vue. Elle a donc probablement été victime d’un prédateur, peut-être une pie-grièche qui rôdait dans le secteur. Ce même hiver, d’autres Parulines à croupion jaune ont hiverné avec succès à Rimouski et Matane!
Vous admettrez tout de même que c’est étrange que certaines parulines se risquent à hiverner dans l’est de la province certains hivers, mais pas à d’autres! Même si la « croupion jaune » est notre paruline la plus résistante au froid, elle reste une hivernante irrégulière même dans l’extrême-sud de la province. Alors, imaginez le risque que courent ces oiseaux dans l’est de la province comme, par exemple, celle qui a réussi à hiverner à Sept-Îles en 2006-07!
Suite à notre courte visite à Saint-Gab, nous avons fait un arrêt à Saint-Pacôme. Nous n’avions l’intention que de traverser le village, mais un petit groupe de Jaseurs boréaux nous a forcé à descendre de la voiture. C’est que j’avais remarqué un jaseur leucique dans le groupe! L’oiseau s’est gentiment laissé observer et photographier.
Jaseur boréal leucique – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu |
Jaseur boréal – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu |
En même temps, deux Sittelles à poitrine blanche, une espèce irrégulière localement en hiver, escaladaient un arbre tout près. Plus loin, au moins quatre Juncos ardoisés chantonnaient, bien cachés dans les conifères. De l’autre côté, c’est un Merle d’Amérique qui s’est trouvé une mangeoire : perché sur un cabanon, il mangeait les fruits de sorbier accumulés dans une gouttière! Ce fut vraiment un arrêt payant!
Merle d’Amérique – Cet oiseau s’est trouvé une mangeoire ! – Saint-Pacôme – 12 février 2012 © Claude Auchu |
De retour à La Pocatière, nous sommes passés par une mangeoire que nous visitons régulièrement (elle fait bien sûr partie de notre tournée hebdomadaire…). Surprise! Un Vacher à tête brune est perché avec les étourneaux! D’où peut-il bien arriver celui-là? Comment se fait-il que nous ne l’avons pas encore vu même après dix semaines de visites régulières à cet endroit???