lundi 6 août 2012

Canicule et Fous de Bassan

Je dois l’avouer, je n’aime pas vraiment la chaleur… je parle bien sûr des journées de canicule comme celles que nous venons de traverser. Si un -30°C ne m’empêche pas d’observer les oiseaux, j’éprouve cependant certains problèmes lorsque j’ai à affronter un +30°C. C’est justement ce que nous avons connu au cours des premiers jours du mois d’août. À vrai dire, je supporterais probablement la chaleur s’il y avait des oiseaux à voir, mais voilà que les oiseaux eux-mêmes se cachent pour se protéger de la canicule! Tout ça pour dire que ces derniers jours ont été plutôt tranquilles pour nous… Nous avons bien fait de courtes sorties de 2-3 heures tôt le matin, mais le nombre d’oiseaux diminuait rapidement aussitôt que la température devenait étouffante! Au moins, je sais maintenant que les oiseaux et moi avons les mêmes limites!
Un front froid qui devait apporter avec lui un temps plus clair et une température tempérée s’est attardé longuement dans l’ouest de la province durant la semaine. Allait-il finalement traverser la région et nous permettre de faire notre sortie à Rivière-Ouelle dans de meilleures conditions? Nous espérions bien pouvoir terminer nos vacances à l’extérieur! Finalement, un petit front a traversé la région vendredi après-midi sans laisser tomber une seule goutte de pluie (à La Pocatière du moins), mais en faisant tourner les vents du sud-ouest au nord-ouest, en abaissant légèrement la température et en éclaircissant le temps! C’était parfait!

Samedi matin, nous nous sommes donc rendus rapidement à Rivière-Ouelle, prêts à tout (comme d’habitude!). Les conditions, sans être exceptionnelles, étaient très acceptables, surtout compte tenu de ce que nous avions affronté les jours précédents. La marée était à sa hauteur maximale, un petit vent soufflait du nord-est et la visibilité au large du quai était très bien. La température était de 13°C à 5 h 00, assez fraîche pour nous redonner de l’énergie et assez chaude pour que les premières libellules soient vues avant même que le soleil ne se lève! Une fois rendus au quai, nous avons pu assister à un phénomène très intéressant dont nous sommes trop rarement témoins : un banc important de petits poissons était présent près du quai! Les poissons semblaient tellement nombreux et d’une telle densité que plusieurs faisaient de petits sauts hors de l’eau; c’est à croire qu’il n’y avait pas assez de place sous l’eau pour tout le monde!!! Plusieurs espèces d’oiseaux piscivores profitaient de cette manne. Les Fous de Bassan, en particulier, semblaient suivre le mouvement dans un déplacement spectaculaire pour la région.

Fous de Bassan – Rivière-Ouelle – 4 août 2012 © Claude Auchu
Notre excursion à Rivière-Ouelle du samedi 4 août s’est déroulée de 5 h 10 à 11 h 05, dont trois heures confortablement installé dans la fraîcheur du bout du quai. Nous avons terminé la matinée avec un respectable 65 espèces, voici les principales :
  • 6 Oies des neiges – Il s’agit bien sûr d’oiseaux ayant estivé localement.
  • 43 Canards noirs
  • 5 Canards colverts
  • 6 Sarcelles d’hiver
  • 2 Fuligules milouinans
  • 73 Eiders à duvet
  • 4 Macreuses à front blanc
  • 1 Macreuse brune
  • 2 Garrots à œil d’or
  • 147 Plongeons catmarins – Encore une fois un excellent total, atteint grâce aux vents faibles facilitant le repérage et à la patience de Christiane qui ne se lasse jamais de compter tous les oiseaux un à un. Encore une fois, la très grande majorité était simplement posée à l’eau.
  • 30 Plongeons huards
  • 3 Grèbes jougris
  • 348 Fous de Bassan – Les vedettes de la matinée! Dans mon message du 23 juillet dernier, je mentionnais que les fous sont des lève-tards qui n’apparaissent souvent qu’une heure après le lever du soleil. Cette fois, probablement motivés par la présence des bancs de poissons, nous avons vu les tout premiers en sortant de la voiture à 5 h 10! Et ces premiers oiseaux semblaient même avoir survolé le quai!!! La lune presque pleine de la nuit précédente a-t-elle pu aider les fous à suivre les poissons même durant la nuit?!? Le total de 348 oiseaux bat mon record personnel dans la région de 336 oiseaux établi le 24 mai 1996. Gageons qu’à ce moment-là (je me souviens très bien de cette journée), les fous avaient dû être attirés par le frai du capelan. Pour samedi, je ne sais pas quelle espèce de poisson ni la raison qui les a poussé vers nous au début d’août. Il arrive régulièrement que des mouvements de fous de moindre ampleur soient notés en août. Est-ce toujours la même espèce de poisson qui les attire jusqu’ici? Contrairement à ce que nous voyons habituellement, très peu de fous avaient commencé à redescendre le fleuve lorsque nous avons quitté le quai. J’aimerais bien savoir jusqu’où ces oiseaux ont pu être observés à l’ouest de Rivière-Ouelle… Curieusement, les ornithologues d’avant 1980 ne semblaient pas avoir remarqué de tels déplacements. L’abbé René Tanguay, dans son article sur les oiseaux de la région publié dans Le Naturaliste canadien en 1964-65 considérait le Fou de Bassan comme un « migrateur accidentel ». À noter qu’il mentionne, entre autres, un adulte capturé à Saint-Bruno-de-Kamouraska le 17 août 1961… Saint-Bruno est situé à 14 kilomètres à l’intérieur des terres!
Fou de Bassan, possiblement un oiseau âgé de quatre ans,
portant encore une rémige secondaire sombre 
– Rivière-Ouelle – 4 août 2012 © Claude Auchu
Fou de Bassan – Rivière-Ouelle – 4 août 2012 © Claude Auchu
  • 122 Cormorans à aigrettes
  • 31 Grands Hérons
  • 18 Urubus à tête rouge – Une belle quantité pour la plaine de Rivière-Ouelle. Cette espèce préfère les parties plus montagneuses de la région.
  • 1 Pygargue à tête blanche  - Un adulte est allé capturer un petit poisson à la surface du fleuve.
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 1 Faucon émerillon
  • 20 Pluviers semipalmés
  • 1 Pluvier kildir
  • 4 Chevaliers grivelés
  • 1 Grand Chevalier
  • 1 Courlis corlieu – Un migrateur trop rare près de La Pocatière.
  • 4 Tournepierres à collier
  • 18 Bécasseaux minuscules
  • 10 Mouettes de Bonaparte – Elles aussi profitaient des petits poissons, posées à l’eau tout près du quai.
  • 5 Sternes pierregarins
  • 1 Guillemot à miroir – Curieusement, c’est le seul alcidé vu durant la matinée. Les jeunes Petits Pingouins ont probablement pris leur envol, ce qui les disperse sur un plus grand territoire. Certains automnes, les pingouins sont très difficiles à voir à Rivière-Ouelle alors qu’à d’autres, comme l’automne 2011, ils sont très communs.
  • 29 Tourterelles tristes
  • 1 Colibri à gorge rubis
  • 1 Hirondelle de rivage
  • 21 Hirondelles rustiques
  • 4 Sittelles à poitrine rousse – Avec le peu de graines de conifère en production cet été, la sittelle deviendra probablement plus discrète cet automne.
  • 390 Étourneaux sansonnets
  • 2 Parulines obscures
  • 2 Parulines à joues grises
  • 5 Parulines masquées
  • 3 Parulines flamboyantes
  • 3 Parulines jaunes
  • 4 Parulines à croupion jaune
Paruline à croupion jaune juvénile – Rivière-Ouelle – 4 août 2012 © Claude Auchu
  • 1 Bruant de Nelson
  • 31 Bruants chanteurs
  • 2 Goglus des prés
  • 22 Chardonnerets jaunes
Les journées avec de tels déplacements d’oiseaux sur le fleuve sont malheureusement impossibles à prévoir. Existe-t-il des moyens de prédire les mouvements de poissons dont on ne connaît même pas l’identité?

La journée de dimanche s’annonçait pour être encore une journée tropicale. Malgré les prévisions de mauvais augure, nous étions sur le terrain à 5 h 30 en espérant (encore!) avoir le temps de faire notre longue tournée à vélo avant que le mercure n’explose à nouveau. En roulant, nous sentions déjà la température monter rapidement, avec un vent du sud de plus en plus vigoureux.
Très peu d’oiseaux étaient visibles tôt le matin, ce qui n’annonçait rien de bon pour le reste de la journée. La tournée s’est donc déroulée plutôt rapidement et, 4 h 30 plus tard, nous étions déjà de retour à la maison. Le détour prévu par les battures du fleuve devra attendre…

L’excursion de dimanche le 5 août nous aura tout de même fourni 55 espèces, dont :
  • 3 Grands Hérons – Ces trois oiseaux étaient dans de petits ruisseaux ou en vol au-dessus des champs. Les criquets qui abondent présentement dans les champs constituent une source de nourriture très prisée pour eux en août.
  • 2 Busards Saint-Martin
  • 1 Petite Buse
  • 1 Buse à queue rousse
  • 4 Crécerelles d’Amérique
  • 5 Colibris à gorge rubis
  • 4 Martins-pêcheurs d’Amérique
  • 2 Piouis de l’Est
  • 8 Moucherolles des aulnes
  • 1 Moucherolle tchébec
  • 3 Moucherolles phébis
  • 2 Tyrans tritris
  • 1 Viréo à tête bleue
  • 10 Viréos aux yeux rouges
  • 8 Grands Corbeaux
  • 3 Hirondelles à front blanc
  • 6 Hirondelles rustiques
  • 5 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grive fauve – Toujours difficile à trouver en automne même si, en août, elles doivent être présentes en plus grands nombres qu’en juin!
  • 33 Merles d’Amérique
  • 1 Moqueur chat
  • 1 Paruline obscure
  • 1 Paruline à joues grises
  • 5 Parulines masquées
  • 1 Paruline jaune
  • 2 Parulines bleues
  • 3 Parulines à croupion jaune
  • 1 Paruline à gorge noire
  • 23 Bruants des prés
  • 1 Cardinal à poitrine rose
  • 2 Goglus des prés
  • 3 Sturnelles des prés – Il y a moins de 10 ans, il était possible de voir jusqu’à une quinzaine d’oiseaux ici en août! C’est une des espèces dont le déclin est le plus marqué dans les sites que je fréquente (mais ce n’est pas la seule à décliner!).
  • 7 Roselins pourprés
  • 1 Tarin des pins
  • 1 Gros-bec errant – Contrairement à la sturnelle, le déclin du Gros-bec errant au Québec n’est pas dû à la perte d’habitats de nidification. Ce serait plutôt dû à une pénurie de nourriture durant l’élevage des jeunes : les chenilles de la Tordeuse du bourgeon de l’épinette! Je me souviens très bien que, les années d’épidémies, la lumière des lampadères de la ville étaient infestés de ces petits papillons durant la nuit! Paraît-il qu’une petite épidémie est en cours dans certaines régions de la province. Espérons que les gros-becs pourront en tirer profit comme semble le faire les Parulines tigrées! D’un autre côté, il est bien possible que le creux historique des populations de gros-becs de l’année 2012 soit aussi relié à la grosse production de graines de conifères de l’an dernier qui aurait gardé les oiseaux en forêt, loin de nos mangeoires!
Dimanche après-midi, le mercure a finalement atteint 34°C à La Pocatière! Depuis le début du mois de juillet, le temps est très sec. Une des sources d’eau naturelles où nous faisons régulièrement le plein d’eau lors de nos promenades à vélo est même tarie! Les feuilles desséchées de certains arbres commencent à tomber. Quelle sera l’impact de ces conditions sur la migration automnale si elles se poursuivent? Les limicoles auront certainement beaucoup d’endroits où s’arrêter, peut-être trop pour que les observateurs réussissent à les trouver!