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mardi 19 novembre 2013

Chardonnerets jaunes et... Goéland de Thayer!

Dans mon message du 12 novembre, je m’inquiétais de l’absence presque totale de fringillidés dans les sites que je fréquente le plus régulièrement. Ces dernières semaines, les roselins, becs-croisés, tarins et chardonnerets semblent en effet avoir déserté la région, eux qui sont habituellement les espèces les plus évidentes en hiver. Mais voilà que les Chardonnerets jaunes ont été très présents durant nos excursions de samedi et dimanche dernier! J’ai interprété l’apparition soudaine de ces oiseaux comme un rappel à l’ordre : j’avais peut-être oublié que les fringillidés sont des oiseaux très opportunistes, capables d’envahir une région aussi rapidement qu’ils sont capables de la déserter! C’est vrai, mais maintenant, espérons simplement qu’ils demeureront dans la région durant tout l’hiver!!!

Samedi, c’est par le quai de Rivière-Ouelle que notre fin de semaine ornithologique a débuté. En sortant de la voiture, tout juste avant le lever du soleil, Christiane s’est écriée : « Ça sent le mois de mars!!! ». Effectivement, le temps doux, les quelques blocs de glace dérivant sur le fleuve et les cris des corneilles nous donnaient vraiment une impression de début de printemps. Ce temps doux a cependant nuit à la visibilité et une petite brume flottait au large, réduisant quelque peu notre champ d’action. L’absence presque complète de vent a compensé en nous permettant de rester stables, confortablement assis sur nos petits bancs.
Même tôt en matinée, les oiseaux observés à Rivière-Ouelle semblaient être en pause plutôt qu’en migration, ce qui est bien normal après la semaine de vents bien soutenus du sud-ouest que nous venons de connaître. Au quai, ce sont encore les Plongeons catmarins qui étaient en évidence. La majorité des individus se dirigeaient cependant vers l’ouest, ce qui est contraire à ce que nous observons lors des vrais déplacements migratoires. Il y a deux semaines, par exemple, plusieurs des oiseaux volaient en direction est, souvent en groupes et très haut au-dessus du fleuve, nous donnant nettement l’impression qu’ils arrivaient directement du nord-ouest (de la baie James?). Samedi, les catmarins semblaient plutôt corriger leurs positions, comme si les oiseaux en pause dans la région avaient été poussés trop à l’est par les vents des derniers jours.

Bien que les oiseaux n’étaient pas en mode migratoire, nous avons pu tirer 35 espèces de notre promenade à Rivière-Ouelle samedi le 16 novembre entre 6 h 30 et 13 h 10 :
  • 800 Oies des neiges
  • 1 Bernache du Canada
  • 242 Canards noirs
  • 44 Canards colverts
  • 2 Fuligules milouinans
  • 2 Eiders à duvet
  • 1 Macreuse à front blanc
  • 8 Macreuses brunes
  • 41 Macreuses à bec jaune
  • 35 Hareldes kakawis
  • 24 Grands Harles
  • 49 Harles huppés
  • 232 Plongeons catmarins – Il est toujours surprenant de constater que tant de catmarins peuvent être vus à Rivière-Ouelle lors d’une journée considérée comme « tranquille »!
  • 3 Grands Hérons
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 1 Buse pattue
  • 13 Bécasseaux violets – En plus de ce petit groupe qui est passé très près du quai, quelques bécasseaux supplémentaires circulaient trop loin au large pour être identifiés avec certitude. À cette date, le choix est très limité : Bécasseaux violets ou Bécasseaux variables.
  • 600 Goélands à bec cerclé
  • 50 Goélands argentés
  • 5 Goélands arctiques
  • 50 Goélands marins
  • 33 Pigeons bisets
  • 5 Tourterelles tristes
  • 2 Harfangs des neiges – Nos deux premiers individus de la saison étaient visibles d’un même point. Les premiers arrivés sous nos latitudes semblent souvent intimidés de se retrouver dans un environnement aussi différent de celui où ils ont passé l’été. C’est même souvent posés au sol que sont trouvés ces premiers oiseaux, à l’abri du regard des agaçantes corneilles.
  • 2 Pies-grièches grises – Même si les pies-grièches sont généralement solitaires, ces deux oiseaux volaient ensembles. À Tadoussac, il y a une quinzaine d’années, j’avais déjà observé cinq individus perchés dans un même arbre!
  • 6 Geais bleus
  • 28 Corneilles d’Amérique
  • 3 Grands Corbeaux
  • 8 Mésanges à tête noire
  • 1 Merle d’Amérique
  • 400 Étourneaux sansonnets
  • 3 Plectrophanes lapons
  • 450 Plectrophanes des neiges
  • 71 Chardonnerets jaunes – Présents un peu partout, des groupes de 15 et 34 oiseaux ont été observés depuis le bout du quai. Je n’avais pas vu plus de deux individus durant la même journée depuis le 29 septembre!!!
  • 5 Moineaux domestiques
Il n’y a pas que Christiane pour qui les conditions météorologiques semblaient printanières samedi matin. Nous avons même croisé une Marmotte commune, une première mention en novembre pour nous deux!!! Je crois même n’en avoir jamais rencontré en octobre!

Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas exploré la ville de La Pocatière et ses environs immédiats de façon adéquate. Il était donc plus que temps pour nous de consacrer une matinée à faire le tour de notre propre patelin. Dimanche matin, l’occasion était belle pour nous d’effectuer une longue marche à travers les rues de la ville. La température encore douce n’aidait en rien à pousser les oiseaux vers les mangeoires, mais il était intéressant pour nous de revoir les quartiers de la ville que nous allons parcourir jusqu’à nous en lasser cet hiver…
En début d’après-midi, j’ai décidé d’aller jeter un coup d’œil aux quelques canards encore présents à La Pocatière. Puisque je savais à l’avance quelles espèces je risquais de croiser, j’ai choisi de laisser mon télescope à la maison et de ne traîner que mes jumelles, l’appareil-photo et son téléobjectif et mon vélo (ce qui est déjà beaucoup à gérer pour deux mains et un seul cou…!). Les canards présents ressemblaient fortement à mes prévisions et un beau groupe très varié de goélands s’est laissé prendre en photos de très loin.
De retour à la maison plus tard en après-midi, j’ai transféré mes photos dans l’ordinateur et quelle ne fut pas ma surprise d’y trouver… un Goéland de Thayer!!! Selon moi, l’identification de l’oiseau, un immature en plumage de premier hiver, ne laisse aucune place à l’hésitation tellement il est bien typé (ce qui est plutôt rare pour un oiseau aussi variable que le Goéland de Thayer)! Il est certain que si j’avais eu mon télescope entre les mains, l’oiseau m’aurait littéralement sauté aux yeux. Il est même surprenant que je ne l’ai pas repéré aux jumelles, mais c’est une preuve de plus que l’on se fait déjouer par bien des oiseaux. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour j’oserais identifier un Goéland de Thayer au Québec sans même le voir au vol mais, voilà, c’est arrivé!

Les 3 h 15 passées sur le terrain à La Pocatière dimanche le 17 novembre nous aurons finalement fourni ces 26 espèces :
  • 12 Canards colverts
  • 2 Fuligules milouinans
  • 2 Petits Fuligules
  • 2 Garrots à œil d’or
  • 1 Gélinotte huppée
  • 1 Grand Héron
  • 50 Goélands à bec cerclé
  • 40 Goélands argentés
  • 1 Goéland de Thayer – Depuis plus de 30 ans, j’ai vu des milliers de Goélands argentés et arctiques en plumage de premier hiver, mais aucun (pas même les quatre Goélands de Thayer de premier hiver que j’ai vus auparavant au Québec!) n’avait cette coloration « café au lait »!!! Qu’en pensez-vous?

Le Goéland de Thayer immature à son premier hiver, flanqué de deux Goélands à bec cerclé, deux Goélands argentés et d’un Goéland  bourgmestre  à son premier hiver. Sa taille et ses proportions sont semblables à celles d’un Goéland arctique, mais son plumage est nettement trop sombre pour cette espèce. Les rémiges primaires, les plumes les plus sombres de l’oiseau, se terminent par un fin liséré blanc. Les tertiaires avec le centre foncées et une lisière blanche sont aussi caractéristiques de l’espèce. Notez à quel point le bec du Goéland de Thayer est plus mince que celui des deux Goélands argentés à sa gauche.
Goéland de Thayer immature à son premier hiver – La Pocatière – 17 novembre 2013 © Claude Auchu

Goéland de Thayer immature à son premier hiver parmi les Goélands argentés, bourgmestres et à bec cerclé
– La Pocatière – 17 novembre 2013 © Claude Auchu
  • 12 Goélands arctiques

Goéland arctique – La Pocatière – 17 novembre 2013 © Claude Auchu
  • 3 Goélands bourgmestres

Goéland bourgmestre, immature à son premier hiver – La Pocatière – 17 novembre 2013 © Claude Auchu
  • 10 Goélands marins
  • 15 Pigeons bisets
  • 17 Tourterelles tristes
  • 2 Pics mineurs
  • 3 Geais bleus
  • 80 Corneilles d’Amérique – Au début de l’excursion, nous étions à évaluer lesquelles des corneilles observées étaient bien installées et prêtes à hiverner localement. Mais, un peu plus tard, nous avons croisé une bande d’une soixantaine d’individus qui migraient silencieusement vers le sud-ouest, bien haut dans les airs. De toute évidence, les migrations ne sont pas encore terminées et nous risquons encore de perdre des oiseaux!
  • 5 Alouettes hausse-col
  • 32 Mésanges à tête noire
  • 2 Sittelles à poitrine rousse
  • 150 Étourneaux sansonnets
  • 1 Plectrophane des neiges
  • 1 Junco ardoisé
  • 1 Bec-croisé bifascié – Cet oiseau qui survolait la ville en criant s’est avéré n’être que notre deuxième  individu en 2013!!! Mes notes indiquent cependant qu’en 1983 et ’86, je n’avais eu aucune mention de l’espèce. Mais c’était il y a bien longtemps, à une époque où j’étais très peu mobile.
  • 30 Chardonnerets jaunes – J’imagine que les deux individus notés irrégulièrement autour de notre demeure depuis près de deux mois se trouvaient dans un des groupes croisés durant l’excursion.
  • 13 Moineaux domestiques
Finalement, les passereaux qui devaient être le centre d’attention de notre journée de dimanche se sont encore fait voler la vedette par un oiseau aquatique! Mais les visites de Goéland de Thayer au Québec, documentées par une photo de surcroit, sont tellement rares que les Chardonnerets jaunes sauront sûrement m’en excuser!

lundi 5 mars 2012

Il était une fois... un Goéland de Thayer?

Le fameux Goéland de Thayer! Son existance, réelle ou fictive, amuse ou tracasse les ornithologues depuis des décennies. Et dans notre petit monde ornithologique, à Christiane et à moi, où se situe donc ce laridé inidentifiable? Nous en avons déjà vu quelques-uns, mais je me demande parfois si nous oserons en revoir d’autres…
Commençons tout d’abord par situer ce cher oiseau. Le Goéland de Thayer niche dans le nord du Canada, de l’île Banks à l’ouest jusqu’à l’île de Baffin à l’est et l’île Ellesmere au nord. Depuis quelques années, il a étendu son aire de nidification jusqu’à la côte nord-ouest du Groenland. C’est un migrateur de longue distance qui hiverne sur la côte du Pacifique, de la Colombie-Britannique à la Californie. Quelques individus sont également trouvés autour des Grands Lacs à chaque hiver.
Tout d’abord considéré comme une espèce à part entière au moment de sa « découverte » en 1915, il est rapidement rétrogradé au rang de sous-espèce du Goéland argenté. En 1973, l’American Ornithologists’ Union lui redonne le titre d’espèce distincte qu’il détient encore aujourd’hui. En 1986, cependant, dans la deuxième édition de son volume Les oiseaux du Canada, W. Earl Godfrey ne le considère plutôt que comme une sous-espèce… du Goéland arctique! Il y a vraiment de quoi y perdre son latin!
En préparant ce message, je me suis rendu compte que le Goéland de Thayer est probablement l’oiseau pour lequel je possède le plus grand nombre d’articles, livres ou vidéos traitant de son identification! En jetant un coup d’œil à toute cette littérature, on voit vite que ce n’est pas avec le Goéland argenté, mais plutôt avec le Goéland arctique que le « Thayer » a le plus d’affinités. Le Goéland arctique se divise lui-même en deux sous-espèces qui ont chacune une aire d’hivernage bien définie. La sous-espèce nominale glaucoides niche sur la côte ouest du Groenland et elle est une migratrice de courte distance, hivernant principalement à la limite des glaces de l’Atlantique Nord. Le bout des rémiges primaires des glaucoides ne présente aucune marque sombre. La sous-espèce kumlieni, quant à elle, niche dans le sud de l’île de Baffin et, migratrice de moyenne distance, hiverne dans le golfe Saint-Laurent et sur les côtes des provinces de l’Atlantique. C’est donc cette sous-espèce que nous rencontrons dans le sud du Québec en hiver. Cet oiseau a une quantité variable de marques plus ou moins sombres au bout des primaires. En fait, le dessin des primaires d’un Goéland arctique kumlieni adulte varie de « pâle comme un glaucoides » à « sombre comme un Goéland de Thayer »! Et il est là le problème : où se situent donc les limites entre ces différents oiseaux?
Lorsque nous habitions Les Escoumins, sur la Haute-Côte-Nord, les Goélands arctiques étaient aussi réguliers pour nous entre novembre et mai que les Goélands à bec cerclé peuvent l’être pour les montréalais en juillet! Nous avons donc eu le temps de les observer, les étudier, les assimiler (j’aurais envie d’ajouter « les digérer », mais ça s’applique plutôt à un Goéland marin que nous avaient servi comme repas notre vieil ami Adalbert et son complice Jacques… mais, ça, c’est une autre histoire…). Suite à la visite de deux Mouettes blanches aux Escoumins en décembre 1997, Christiane et moi avions pris l’habitude de nourrir les goélands en hiver, en leur offrant de petits cubes de suif. D’un hiver à l’autre, entre 30 et 50 goélands de quatre espèces différentes se posaient à quelques mètres de nous à chacune de nos visites, en plus de dizaines d’autres qui s’approchaient par curiosité.

Le 29 décembre 2000, un goéland avec le bout de l’aile particulièrement sombre attire notre attention. Est-ce un Goéland de Thayer? Quelques photos sont rapidement prises, les livres et magazines sont épluchés une fois de plus et notre verdict tombe : non, nous ne pourrons pas classer celui-là comme un Goéland de Thayer. Il avait pourtant beaucoup de potentiel. Ses proportions semblables au Goéland arctique, son iris foncé, ses pattes rose sombre, son bec mince de couleur jaune légèrement verdâtre et, bien sûr, le bout noirâtre des primaires les plus externes pointaient tous nettement vers le Goéland de Thayer. Et bien que sa taille était peut-être un peu petite, son manteau légèrement trop pâle et sa tête pas assez marquée de taches brunes, ces caractéristiques étaient tout de même à l’intérieur des limites pour un Goéland de Thayer.

Notre goéland photographié la journée de sa découverte. Selon Gulls of the Americas, le patron du bout de l’aile indiquerait un Goéland de Thayer typique. À noter l’anneau sombre au bout de la primaire la plus externe (P10), le liséré noir contournant le miroir blanc sur P9 et la petite marque sombre sur P5. Pour nous satisfaire, il aurait fallu que cette primaire porte un anneau complet à son extrémité…
– Les Escoumins – 29 décembre 2000 – © Claude Auchu
C’est bien sûr suite à l’étude du patron des primaires que la décision sur son identité s’est prise. Lorsque l’oiseau était posé, le bout des primaires semblait vraiment noir, un effet créé en bonne partie à cause du chevauchement des plumes. En vol, puisque le dessous des primaires était surtout gris et non noir comme chez le Goéland argenté, ces marques paraissaient plutôt ardoisées. C’est surtout au dessin de la sixième primaire la plus externe que nous nous sommes attardés (même s’il est plus facile, sur le terrain, de compter les primaires à partir de la plus externe, elles sont habituellement comptées à partir de l’intérieur, soit du poignet. La sixième primaire la plus externe est donc en fait la cinquième plus interne, que l’on désigne par P5). D’après nos lectures, les Goélands de Thayer semblent avoir au moins une tache sombre à l’extrémité de P5. Pour être certain de ne pas surestimer un kumlieni sombre, nous avons alors décidé de ne pas identifier un Goéland de Thayer à moins qu’il ait un anneau complet au bout de P5 en plus, bien entendu, des autres critères plus classiques! Rien de moins! Vous connaissez donc ce qui, pour nous, est le critère ultime pour l’identification d’un Goéland de Thayer adulte. Il est probable que nous manquons ainsi de vrais Goélands de Thayer, mais j’ai toujours préféré être trop exigeant que trop négligeant! Heureusement, les critères pour reconnaître les immatures en plumage de 1er hiver semblent mieux définis que ceux pour les adultes… Notre goéland a finalement été présent quotidiennement jusqu’au 17 avril 2001, nous donnant le temps de le voir muer vers son plumage d’été.

Notre oiseau posé près de deux Goélands arctiques. Sa petite taille comparativement à l’oiseau devant lui suggère fortement qu’il s’agit d’une femelle. Il est possible de voir le dessous pâle de la pointe de son aile droite.
– Les Escoumins – 29 décembre 2000 – © Claude Auchu
Le même oiseau au début du printemps. Sa tête est maintenant presque blanche.
– Les Escoumins – 8 mars 2001 – © Claude Auchu
Le Goéland de Thayer n’a pas fini de créer de drôles de situations. Certaines réactions aux photos de notre goéland ont été raisonnables. Par exemple, on nous a dit que notre oiseau passerait inaperçu parmi les Goélands de Thayer sur la côte du Pacifique. C’est vrai, mais nous sommes au Québec, à 4000 kilomètres du Pacifique! D’autres réactions nous ont paru plus surprenantes. Ainsi, une de nos photos a été publiée dans un magazine ornithologique anglophone. Nous avions soumis la photo comme étant celle d’un goéland non-identifié, mais les éditeurs l’ont publiée avec une vignette annonçant un Goéland de Thayer! On nous a alors dit que des « knowledgeable birders » avaient dit qu’il s’agissait d’un « Thayer »! Ah oui? Sans même avoir vu les détails de l’aile ouverte? De toute évidence, certains sont moins exigeants que nous!?! Dans Gulls of the Americas, le guide d’identification sur les goélands qui fait présentement autorité, les auteurs présentent des photos d’oiseaux qu’ils considèrent être de possibles hybrides entre des Goélands de Thayer et des Goélands arctiques kumlieni!!! Comment décider que certains oiseaux sont de possibles hybrides lorsque l’on est même pas certain des critères pour différencier les espèces souches? Bien sûr, je ne doute pas de la compétence des auteurs et je sais très bien que les deux espèces doivent s’hybrider, comme pratiquement toutes les espèces de goélands. Finalement, ne serait-ce pas plus simple d’en arriver à cette seule conclusion : pourquoi les Goélands arctiques de la sous-espèce kumlieni ne seraient-ils pas tous des hybrides G. arctique glaucoides x G. de Thayer?
D’ailleurs, suite à la visite de notre goéland non-identifié, un autre goéland qui aurait très bien pu être considéré comme un Goéland de Thayer est venu passer les deux hivers suivants avec nous. Nous avons d’ailleurs cru longtemps qu’il s’agissait du même individu qui avait simplement hérité d’un plumage légèrement différent après une mue (paraît-il que c’est possible!). Un coup d’œil dans le guide qui ose mentionner les hybrides G. arctique x G. de Thayer indique maintenant que cet oiseau en serait peut-être un… À vous de juger…

Un autre oiseau du même type est venu hiverner aux Escoumins l’année suivante! Il était déjà très fidèle dès son arrivée à notre mangeoire à goélands, nous laissant croire qu’il s’agissait du même individu! Ses primaires correspondent à ce que les auteurs de Gulls of the Americas considèrent être un possible hybride G. arctique x G. de Thayer. À remarquer le bout entièrement blanc de P10, l’anneau au bout de P9 ne rejoignant pas la partie sombre du milieu de la plume et une petite tache gris sombre près du bout de P5.
– Les Escoumins – 23 janvier 2002 – © Claude Auchu
Le goéland en compagnie d’un Goéland argenté et d’un Goéland bourgmestre. Le dessous de la pointe pâle de son aile gauche est bien visible, tout comme le dessous noir de la pointe de l’aile du Goéland argenté.
– Les Escoumins – 16 février 2002 – © Claude Auchu
L’étude de milliers de Goélands arctiques aux Escoumins aurait dû me rendre plus confiant dans l’identification des Goélands de Thayer. Pourtant, c’est plutôt le contraire qui s’est produit. Je suis maintenant tellement conscient de la variabilité des kumlieni que dorénavant, j’aurai beaucoup de difficulté à me convaincre d’avoir affaire à un vrai « Thayer ». Malgré cela, j’ai tout de même sept mentions satisfaisantes de Goélands de Thayer sur ma liste : quatre d’immatures en plumage de premier hiver (dont deux dans ma région), deux d’oiseaux à leur deuxième hiver et une d’un adulte (un bel individu avec une anneau complet au bout de P5, vu aux Escoumins le 30 mars 2000).

Le goéland avec un Goéland argenté durant son deuxième hiver parmi nous. 
– Les Escoumins – 25 décembre 2002 – © Claude Auchu

Toujours le même goéland laissé non-identifié. Encore une fois, comme l’année précédente, la pointe blanche de P10, l’anneau sombre isolé au bout de P9 et la petite tache foncée au bout de P5 sont visibles.
– Les Escoumins – 3 février 2003 – © Claude Auchu
Il y a de nombreuses années, lorsque l’ADN est venu à la rescousse des taxinomistes, j’étais certain que le sort du Goéland de Thayer allait se jouer en un rien de temps. Pourtant, il est encore une espèce à part entière. Il est évident que, chez les oiseaux, il existe plusieurs « demi-espèces », des populations trop près l’une de l’autre physiquement pour être des espèces distinctes, mais trop loin génétiquement pour être des sous-espèces. L’augmentation du nombre de goélands due à l’influence de l’Être humain a probablement mis en contact des populations qui n’étaient pas encore reproductivement isolées. Qui sait, un jour peut-être, une étude diminuant le nombre d’espèces de goélands de moitié sera publiée…