lundi 25 avril 2011

Plongeon catmarin: 1, 2, 3,... 3231!!!

À la fin de mon message précédent, je mentionnais que nos oiseaux arrivant en avril ne souffrent sûrement pas des conditions plutôt froides que nous connaissons ce printemps. Et justement, dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, il est tombé un beau 20 cm de neige à La Pocatière… Je vous assure que j’espérais que mon affirmation était vraie! En allant travailler jeudi matin et malgré la neige, nous avons croisé un Moucherolle phébi qui chantait avec cœur en bordure de la minuscule rivière Saint-Jean!!! Ouf! Si celui-là a survécu, les autres n’ont pas dû avoir trop de difficulté!

Moucherolle phébi - La Pocatière - 24 avril 2011
Mais, en dépit du printemps qui tarde vraiment à s’installer, les oiseaux continuent à arriver doucement et plusieurs réussissent même à se présenter dans la région de La Pocatière à leur date typique.
Samedi le 23 avril, une tournée rapide en bordure des forêts (où les quantités de neige au sol sont encore appréciables) nous fourni plusieurs de ces nouveaux arrivants : sept Pics flamboyants, dont plusieurs en déplacement, et huit Pics maculés sans visiter leur habitat. Sont aussi présents 5 Moucherolles phébis, 4 Hirondelles bicolores, 3 Roitelets à couronne rubis, 4 Grives solitaires, 310 Merles d’Amérique (dont un groupe de 120 dans un même champ!) et une première Paruline à croupion jaune.
Dimanche le 24 avril, en matinée, je décide d’aller inspecter les battures alors que Christiane choisit plutôt d’explorer les rangs à vélo. J’aurais dû la suivre parce que c’est assez tranquille au fleuve! Il semble de plus en plus que les canards barbotteurs ne sont pas tous en retard mais ont plutôt traversé la région alors que nous étions occupés ailleurs… Je note tout de même mon premier Bihoreau gris de l’année, une autre espèce dont les effectifs locaux semblent s’être effondrés depuis 15 ans. Jusqu’au milieu des années 1990, il était normal de voir entre 7 et 10 bihoreaux durant une sortie moyenne sur les battures dans la région. Maintenant, croiser un seul oiseau est presqu’un événement! Est-ce que les colonies des îles de Kamouraska et des îles Pèlerin, situées à respectivement 29 et 44 kilomètres de La Pocatière, ont connu des baisses de population ou si la rareté des bihoreaux est reliée à autre chose??? En après-midi, nous nous retrouvons pour suivre la migration des rapaces au-dessus de la ville. Les quantités notées ne sont pas impressionnantes, mais nous avons tout de même 10 Urubus à tête rouge, un Pygargue à tête blanche de 1ère année, 2 Busards Saint-Martin, 4 Éperviers bruns, 15 Buses à queue rousse, 11 Buses pattues, une Crécerelle d’Amérique et… un groupe de 650 Sizerins flammés. Mais la vraie surprise arrive du sud à 14 h 40! À ce moment, nous repérons en même temps un groupe d’oiseaux nous survolant (moi en voyant l’ombre des oiseaux sur le sol et Christiane en entendant les bruissements de leurs ailes) : des Eiders à duvet!!! Comme je le mentionnais dans mon message du 18 avril, pratiquement à chaque printemps nous voyons des groupes d’Eiders à duvet arriver directement de l’intérieur des terres. De toute évidence, ces oiseaux proviennent de la côte atlantique après avoir migré au-dessus de la terre ferme, un phénomène bien connu chez les macreuses et les hareldes par exemple, mais pas chez les eiders. On sait déjà que ces oiseaux font de telles migrations en automne après avoir remonté l’estuaire jusqu’à la limite amont de l’eau salée (voir ce lien), mais les déplacements printaniers, probablement plus difficiles à cerner, ne semblent pas avoir été documentés. Quelques mentions printanières à Saint-Joseph-de-Beauce au début des années 1980 font certainement partie du même phénomène. Nos 170 oiseaux descendent rapidement vers le fleuve pour se poser aussitôt rendus à l’eau. L’effort physique d’un tel voyage pour des oiseaux aussi vigoureux ne doit pas être énorme mais voler à haute altitude au-dessus de forêts enneigées et de lacs gelés doit sûrement provoquer un certain stress pour des canards habitués à se déplacer à un ou deux mètres au-dessus de grandes étendues d’eau salée. Le point le plus près de la côte atlantique où hivernent les eiders se trouve à environ 350 km de La Pocatière, à l’entrée de la baie de Fundy à la hauteur de la frontière Maine/Nouveau-Brunswick. Si les eiders ont volé à 70 km/h à partir de cet endroit sans faire de détour, ils ont donc volé durant cinq heures et ont dû partir vers 10 h 30. À ce moment, les vents enregistrés à Point Lepreau au Nouveau-Brunswick étaient de 10 km/h du sud-ouest alors qu’à leur arrivée à La Pocatière, les vents soufflent de l’ouest à 15 km/h. Bien sûr, c’est en supposant que les eiders sont partis du point le plus près… ce qui est loin d’être assuré!!! Même si nous savons que les Oies des neiges volent sur de plus grandes distances entre le cap Tourmente et l’ìle de Baffin, le spectacle des eiders en vol au-dessus des terres est tout de même marquant!



Les eiders viennent de nous survoler!
Eiders à duvet - La Pocatière - 24 avril 2011


Le groupe de 170 Eiders à duvet se dirige vers le fleuve avec le mont des Éboulements à l'arrière-plan
Eiders à duvet - La Pocatière - 24 avril 2011


Lundi le 25 avril, direction Rivière-Ouelle pour un long avant-midi d’observation. Nous sommes présents dans la municipalité de 5 h 30 à 12 h 30 dont près de quatre heures au fameux quai. Voici en partie ce que nous en tirons :

    Bernaches cravants - Rivière-Ouelle - 25 avril 2011
  • 2000 Oies des neiges
  • 26 Bernaches cravants
  • 200 Bernaches du Canada
  • 6 Canards d’Amérique
  • 90 Canards noirs
  • 10 Canards colverts
  • 67 Canards pilets
  • 13 Fuligules à collier
  • 10 Fuligules milouinans
  • 5 Petits Fuligules
  • 51 Eiders à duvet
  • 34 Macreuses à front blanc
  • 1 Macreuse brune – Toujours la dernière macreuse arrivée dans la région le printemps même s’il existe quelques mentions vraiment hivernales dans l’estuaire.
  • 3500 Macreuses à bec jaune
  • 28 Harldes kakawis
  • 42 Garrots à œil d’or
  • 8 Harles couronnés
  • 56 Grands Harles
  • 52 Harles huppés
  • 3231 Plongeons catmarins – Oui, c’est bien 3231 oiseaux que nous (Christiane pour être honnête) comptons !!! Il s’agit de notre deuxième meilleur décompte en une seule sortie pour cette espèce après les 4052 notés le 22 mai 2010. Tous les oiseaux vus migrent très loin au large (merci à l’excellente visibilité !) en direction ouest. Seulement deux oiseaux portent leur plumage nuptial, la presque totalité étant encore en plumage d’hiver et quelques-uns en mue. Puisque les catmarins ne sont pratiquement jamais vus à Québec le printemps, il est tentant de supposer que, lors de tels déplacements, ces oiseaux quittent l’estuaire pour leurs territoires de nidification. Si c'est le cas, combien d'oiseaux peuvent bien passer à Rivière-Ouelle au cours d'un seul printemps? Des dizaines ou des centaines de milliers?... À noter que peu de ces oiseaux sont visibles à l’œil nu ce matin. Mais, avec un bon téléscope et de très nombreux individus pour se faire l’œil, on apprend vite à reconnaître les petits points se déplaçant très loin au large.
  • 1 Plongeon huard – Comme toujours, notre premier de l’année arrive presqu’un mois après les premiers catmarins. Étrange pour un oiseau que j’ai déjà vu à quelques reprises en février lorsque j’habitais la Haute-Côte-Nord.
  • 1 Grèbe jougris
  • 13 Fous de Bassan – « Les éperlans sont arrivés » dirait notre vieil ami Adalbert Bouchard! « Si vous voyez des vendeurs d'éperlans avant d’avoir vu vos premiers Fous de Bassan de l’année, c’est parce qu’ils essaient de vous passer du stock de l’an dernier ». De toute évidence, les éperlans arrivent ici trois semaines après la Côte-Nord. En effet, aux Escoumins, nous voyions nos premiers fous entre le 27 mars et le 2 avril. À Rivière-Ouelle, leur date moyenne d’arrivée se situe vers le 20 avril.
  • 286 Cormorans à aigrettes
  • 37 Buses à queue rousse – En quittant le quai peu avant 10 h 00, un groupe de 22 Buses à queue rousse est littéralement sorti des boisés en bordure de la route pour prendre rapidement de l’altitude! D’après l’emplacement de leur lieu de décolage, tout laisse croire qu’elles s’apprêtent à traverser le fleuve vers Charlevoix, 15 kilomètres plus loin…
  • 1 Mouette de Bonaparte
  • 1 Goéland brun – Un adulte en migration au large du quai.
  • 3 Mouettes tridactyles
  • 60 Petits Pingouins


Cormoran à aigrettes - Rivière-Ouelle - 25 avril 2011
 Maintenant, qu’arrive le mois de mai !!!

lundi 18 avril 2011

Un printemps timide!

Samedi le 16 avril, un autre avant-midi passé à Rivière-Ouelle! Comme le veut la tradition, c’est au quai que nous débutons la journée. Bien entendu, la tradition est de voir les oiseaux lorsqu’ils sont les plus actifs et, sur le fleuve, c’est très tôt le matin que ça bouge le plus! En cette matinée glaciale (-7°C à 6 h 00), il faut être chaudement vêtu pour survivre au quai durant 150 minutes!!! Mais ça fait partie du jeu et, même si c’est souvent frustrant que des conditions adverses viennent nuire à mon passe-temps favori, je m’entête habituellement à endurer ces contretemps. Est-ce par intérêt incontrôlé pour les oiseaux ou simplement parce que je suis têtu de nature…?
Toujours est-il qu’à 5 h 50 nous sommes déjà au bout du quai à essayer de mettre un nom sur les oiseaux circulant loin au large. La visibilité est très moyenne et il faut souvent suivre les oiseaux longtemps au téléscope pour réussir à bien saisir leur jizz et pouvoir enfin les identifier. Beaucoup de temps perdu à jouer avec le zoom et un grand nombre d’oiseaux laissés non-identifiés.
Voici la liste partielle des espèces observées à Rivière-Ouelle entre 5 h 40 et 11 h 25 :
  • 45 Bernaches cravants
  • 175 Bernaches du Canada
  • 295 Canards noirs
  • 37 Canards colverts
  • 3 Canards pilets
  • 12 Sarcelles d’hiver
  • 27 Fuligules à collier
  • 21 Fuligules milouinans
  • 148 Eiders à duvet – Tous les oiseaux se dirigent vers l’est. Il s’agit donc sûrement d’oiseaux ayant atteint le fleuve en amont de Rivière-Ouelle après un vol au-dessus des terres à partir de la côte atlantique et qui descendent vers l’estuaire pour nicher. À La Pocatière au fil des années, nous avons observé à plusieurs reprises des groupes d’eiders arrivant ainsi de l’intérieur des terres au printemps, un phénomène dont nous n’avons pourtant jamais entendu parler dans une publication!!! Mais je vous jure que c’est étrange de voir ces gros canards de mer surgirent derrière les montagnes à haute altitude!
  • 500 Macreuses à bec jaune – Comme c’est toujours le cas pour la Macreuse à bec jaune, les oiseaux se déplaçant tôt le matin se sont par la suite regroupés en un grand radeau à l’ouest du quai. Vers la fin d’avril, leur nombre atteint parfois plus de 5000 individus!
  • 43 Hareldes kakawis
  • 1 Petit Garrot – Ce minuscule canard se présente toujours dans la région vers la même date : depuis sept ans, nous avons vu nos premiers de l’année à six reprises entre le 16 et le 22 avril. Ces arrivées peuvent paraître tardives lorsque l’on pense que l’espèce hiverne sans mal à l’embouchure de la rivière Saguenay, à moins de 75 kilomètres au nord-est de Rivière-Ouelle.
  • 72 Garrots à œil d’or
  • 60 Grands Harles
  • 17 Harles huppés
  • 109 Plongeons catmarins
  • 167 Cormorans à aigrettes
  • 9 Grands Hérons
  • 5 Buses pattues
  • 123 Quiscales bronzés
Aucun Petit Pingouin n’a été vu ce matin (je devrais peut-être plutôt dire « identifié »). À Rivière-Ouelle, il arrive régulièrement que le pingouin passe ainsi de commun à absent en quelques jours; le contraire est aussi vrai… je cherche toujours la raison!?!
À l’heure du souper, un Épervier de Cooper houspillé par une corneille est visible depuis la fenêtre de notre cuisine, à La Pocatière. Finalement, malgré les conditions d’observation difficiles, nous avons tout de même terminé la journée de samedi avec 43 espèces.
Dimanche après-midi, le 17 avril, nous sommes sortis sous une pluie fine (celle qui a suivie la neige et qui a précédé les gros vents du sud-ouest) en partie pour vérifier si nos fidèles Becs-croisés des sapins étaient encore à leur site habituel. Six oiseaux étaient sur place à notre arrivée et, surprise! un Bec-croisé bifascié les accompagnait! Cet individu probablement un peu désespéré descendait fouiller dans les cônes de pin avec ses cousins, une nourriture sûrement plus difficile à atteindre pour lui. C’est mon premier Bec-croisé bifascié depuis le 16 janvier dernier et probablement le premier que je vois vraiment intégré dans un groupe de Becs-croisés des sapins. Par la même occasion, 30 Jaseurs boréaux sont vus mangeant des bourgeons floraux d’érable. Les années de disette permettent de voir à quel point nos oiseaux sont pleins de ressources.
Une personne de mon entourage s’inquiète souvent pour les oiseaux durant les périodes de températures inclémentes comme celle de cette fin de semaine. Les espèces arrivant au Québec à la mi-avril ne doivent pas trop souffir de la neige et du froid. Les conditions que nous connaissons présentement ressemblent sûrement à celles que ces oiseaux ont à subir dans leurs quartiers d’hiver et même les Hirondelles bicolores doivent réussir à traverser ces conditions sans trop de problème. Mais lorsque nos oiseaux hivernant en Amérique du Sud arrivent en mai et qu’ils ont à affronter de la neige ou de longues périodes de vents froids, c’est une toute autre affaire!!! J’ai déjà vu des parulines, des Hirondelles rustiques et des Martinets ramoneurs subirent de telles épreuves et certains y ont laissé leur peau!

jeudi 14 avril 2011

Il était une fois... une corneille sp.!!!

Il y a cinq ans presque jour pour jour, le 8 avril 2006, Christiane et moi avons fait une rencontre plutôt étrange. Voici intégralement la note que j’ai inscrite sur notre feuillet d’observations quotidiennes rempli à Rivière-Ouelle cette journée-là :
« Corneille sp : Une corneille non-identifiée??? Eh oui! Ce matin, nous avons observé une corneille que nous n’avons pas osée identifier à l’espèce! Postés à l’embouchure de la rivière Ouelle, nous jettions un coup d’œil aux oiseaux présents lorsqu’une corneille arrivant du boisé nous survola en lançant d’étranges cris nasillards. La corneille continua sa route au-dessus de la rivière pour finalement se poser dans un champ de l’autre côté. Ce sont, bien sûr, les cris nasillards de l’oiseau qui sont intriguants! Lançés en solo ou en duo, les six ou sept cris entendus ne ressemblent en rien à ceux de la Corneille d’Amérique. Ils correspondent cependant en tout point à ceux de la Corneille de rivage (Corvus ossifragus), cris que nous connaissions déjà grâce à des enregistrements ou entendus lors de voyages au New Jersey!!! La Corneille d’Amérique lance parfois des cris nasillards mais qui sont franchement différents de ceux entendus aujourd’hui (cris que nous connaissons d’ailleurs très bien). Il s’agit alors habituellement de jeunes quémandant de la nourriture, ce qui ne peut être le cas au début d’avril. Une femelle qui couve ou qui se prépare à le faire peut aussi lancer ces cris de quémandage mais notre étrange corneille était seule et s’éloignait en terrain découvert, loin des sites de nidification.
La Corneille de rivage niche le long de la côte atlantique américaine et est en pleine expansion le long des principaux cours d’eau qui s’y jettent. Elle a même déjà niché à Burlington, au Vermont, soit à moins de 70 km de la frontière québécoise! Il est donc très surprenant que l’espèce n’ait pas encore été signalée au Québec! Même si les critères physiques différenciant les deux espèces sont extrêmement subtiles, nous aurions préféré voir notre oiseau en compagnie d’une de nos bonnes vieilles corneilles, ne serait-ce que pour juger de sa taille et de ses proportions. Mais, curieusement et contrairement aux autres corneilles qui, à cette époque de l’année, se tiennent souvent en couple ou en trio, notre oiseau était seul… Dans l’espoir de retrouver cette corneille non-identifiée, nous avons patrouillé le secteur durant plus d’une heure en portant une attention particulière à tous les cris de corvidés, mais sans succès. La corneille de Rivière-Ouelle pourrait-elle être la première Corneille de rivage de la province? Probablement, si on se fit aux cris, mais nous préférons rester prudents. Même avec chacun 30 ans d’expérience en ornithologie de terrain, il nous apparaît risqué d’identifier une telle rareté à partir de seulement quelques notes entendues durant 15 secondes. Mais, nous savons bien que, pour l’éternité, nous nous dirons : “Honnêtement, qu’est-ce que ça pouvait être d’autre???! »
Vous voyez sûrement où je veux en venir… Comment se fait-il que la présence de la Corneille de rivage n’ait pas encore été confirmée au Québec??? Puisque l’espèce se rencontre régulièrement à moins de 70 km de la frontière le long du lac Champlain, c’est probablement dans le secteur de Philipsburg ou encore le long de la rivière Richelieu que la première Corneille de rivage sera trouvée. J’espère que les observateurs qui fréquentent ces secteurs en sont conscients et qu’ils se promènent les oreilles grandes ouvertes! Bien entendu, il est toujours possible qu’un oiseau se laisse emporter par un mouvement de Corneilles d’Amérique et se retrouve n’importe où… comme à Rivière-Ouelle par exemple. Il sera sûrement difficile de bien documenter sa découverte, à moins d’avoir frais en mémoire la fonction vidéo de sa caméra numérique (ce n’est pas toujours mon cas). En attendant, voici un site internet plutôt bien fignolé de l’université Cornell pour se remettre en mémoire les légères différences entre ces deux belles bêtes noires.
La Corneille de rivage migre et niche plus tardivement que notre corneille et c’est probablement en mai que les chances d’en trouver une sont les plus élevées. Nous entrons donc dans la meilleure période. Bonne chance à tout le monde (moi inclus)!

lundi 11 avril 2011

Sarcelle métisse, catmarins et premiers insectivores

Il y a longtemps que nous n’avions pas profité de trois jours consécutifs pour observer les oiseaux à notre goût. Et, en plus, on annonçait une vraie température printanière pour toute la fin de semaine (il me semble qu’il est souvent question de météorologie ce printemps?!?). Le bouchon qui empêche les oiseaux de remonter du sud jusqu’à nous allait-il enfin débloquer? Si ça se produit, nous serons aux premières loges pour en être témoins!
Donc, dès le lever du soleil vendredi le 8 avril, nous sommes sur les battures à La Pocatière pour observer les canards et nous comptons poursuivre la journée en surveillant si les oiseaux de proie ont commencé à migrer dans la région. Les conditions sont magnifiques, les vents presque nuls et la marée est à son maximum tôt le matin. Mais, curieusement, peu d’oiseaux circulent durant la journée, laissant croire qu’ils sont bloqués très loin en amont de La Pocatière. Peu importe, nous nous contentons des oiseaux sur place, en essayant d’en manquer le moins possible.
Les 8 h 15 passées sur le terrain le 8 avril nous ont permis de noter 42 espèces dont : 

-915 Oies des neiges – un adulte est partiellement albinos, n’ayant que deux ou trois primaires noires sur chaque aile. Un oiseau blanc partiellement albinos…!!!
-66 Bernaches du Canada
-92 Canards noirs
-62 Canards colverts
-8 Canards pilets
-6 Sarcelles d’hiver – un mâle présente des signes de métissage avec la sous-espèce eurasienne crecca. La ligne verticale blanche entre les flancs et la poitrine typique de la sous-espèce nord-américaine est présente, mais la ligne blanche horizontale formée par la bordure des scapulaires de la sous-espèce eurasienne est aussi très évidente. Il m’est déjà arrivé à quelques reprises d’observer des sarcelles portant à divers degrés les caractéristiques des deux sous-espèces; ce n’est cependant que la deuxième fois qu’elles sont assez évidentes pour que j’ose affirmer sans aucune hésitation avoir affaire à uns métisse (connaissez-vous une meilleure traduction pour le terme anglais « intergrade »?). Jetez un coup d’œil au site internet de David Sibley car il traite justement des croisements entre ces deux sous-espèces. La British Ornithologists’ Union reconnaît ces deux races comme étant des espèces à part entière; l’American Ornithologists’ Union pourrait bien faire de même un jour comme elle l’a fait avec la Macreuse à bec jaune et le Goéland leucophée.
-2 Fuligules à collier
-17 Fuligules milouinans
-25 Garrots à œil d’or
-28 Grands Harles
-2 Harles huppés
-8 Grands Hérons
-7 Urubus à tête rouge
-5 Busards Saint-Martin
-2 Éperviers bruns
-1 Buse à queue rousse
-4 Buses pattues
-1 Faucon pèlerin
-17 Pluviers kildirs
-2 Mésanges à tête brune
-2 Plectrophanes lapons
-1800 Plectrophanes des neiges
-100 Tarins des pins

Samedi le 9 avril, un petit front chaud a traversé la région juste avant le lever du soleil, apportant avec lui un léger vent du sud et, on l’espérait, de nouveaux arrivants! Cette fois, c’est au quai de Rivière-Ouelle que nous débutons la journée. En descendant de la voiture, je dis immédiatement à Christiane : « Ça semble un peu trop tranquille…! ». Effectivement, très peu d’oiseaux circulent devant le quai, ce qui n’annonce rien de bon. Mais une fois bien assis sur nos petits bancs au bout du quai et constatant que la visibilité au large est presque parfaite, nous reprenons rapidement espoir. Les oiseaux se déplacent bel et bien, mais ils le font loin au large. Heureusement, les conditions de visibilité nous permettent de travailler efficacement et la première heure fut très bien remplie, avant de devenir très tranquille. Au début des migrations, en effet, les oiseaux ne se déplacent souvent que durant la première heure suivant le lever du soleil.
Voici une liste partielle des oiseaux notés à Rivière-Ouelle, entre 5 h 45 et 11 h 10 (les 135 premières minutes passées au quai) :

-130 Oies des neiges
-70 Bernaches cravants – une bonne quantité pour cette espèce en nette diminution dans la région depuis quelques années.
-460 Bernaches du Canada
-3 Canards branchus
-2 Canards chipeaux
-210 Canards noirs
-38 Canards colverts
-69 Canards pilets
-6 Sarcelles d’hiver
-3 Fuligules à collier
-11 Fuligules milouinans
-124 Eiders à duvet
-400 Macreuses à bec jaune
-3 Hareldes kakawis
-114 Garrots à œil d’or
-6 Harles couronnés
-41 Grands Harles
-16 Harles huppés
-185 Plongeon catmarin – le premier bon déplacement dont nous sommes témoins cette saison, la totalité des oiseaux se déplaçaient vers l’ouest loin au large. Certains se sont posés à l’eau vers la fin du déplacement.
-100 Cormorans à aigrettes
-1 Faucon pèlerin – un adulte attaquant sans succès un groupe de 7000 Plectrophanes des neiges !
-24 Petits Pingouins
-2 Sizerins blanchâtres – à une mangeoire, parmi un petit groupe d’à peine une dizaine de Sizerins flammés.

Dimanche 10 avril, il est temps de faire une tournée à l’intérieur des terres, question de voir si des mouvements de migrateurs sont aussi visibles chez les oiseaux plus forestiers. Effectivement, les oiseaux ont fait du chemin ces derniers jours ! Entre autres :

-11 Urubus à tête rouge
-2 Busards Saint-Martin
-3 Buses à queue rousse
-4 Buses pattues
-3 Faucons émerillons – un migrateur, un individu attaquant un groupe de Plectrophanes des neiges et un autre poursuivant une Tourterelle triste.
-31 Pluviers kildirs – très bruyants dans les champs labourés.
-2 Pics maculés – une date printanière record pour moi (ancien record le 13 avril 1994), ce pic arrive habituellement dans la région entre le 15 et le 22 avril.
-1 Moucherolle phébi
-1 Hirondelle bicolore – égalise ma date la plus hâtive (1993), ce qui est plutôt surprenant pour un printemps plutôt froid. Je rêve depuis longtemps du jour où j’observerai une Hirondelle bicolore en mars dans ma région… l’an prochain peut-être ?
-17 Grands Corbeaux – un nid nouvellement construit est découvert au sommet d’un pylône planté au milieu des champs! De très nombreuses falaises sont pourtant disponibles tout près !?! Ce n’est que la deuxième fois que je vois un nid de corbeaux construit sur une structure humaine dans la région. Le premier avait été trouvé sur le pont de bois d’une voie ferrée en pleine forêt en 1989.

Nid de Grand Corbeau au sommet d'un pylône - La Pocatière - 10 avril 2011

Nid de Grand Corbeau - La Pocatière - 10 avril 2011

-130 Merles d’Amérique – si les kildirs adorent les labours, les merles préfèrent les champs herbeux.
-17 Jaseurs boréaux
-41 Bruants chanteurs – nous n’en avions vu que quatre il y a deux jours !
-100 Carouges à épaulettes
-105 Quiscales bronzés
-25 Vachers à tête brune – plusieurs petits groupes d’ictéridés se déplaçaient au-dessus des terres agricoles tôt le matin.
-6 Becs-croisés des sapins – toujours les mêmes, toujours au même endroit !


Bec-croisé des sapins - La Pocatière - 10 avril 2011


Avec l’arrivée des premiers insectivores, on peut considérer qu’un nouveau stade vient d’être franchi. Élargissons donc encore un peu plus l’éventail des possibilités. Justement, une Bergeronnette grise vient d’être photographiée au Michigan ; gardons l’œil ouvert au cas où !

lundi 4 avril 2011

À La Pocatière, sur les battures

« Météorologue est le seul métier où tu peux te tromper 9 fois sur 10 et ne pas perdre ta job! », c’est un de mes vieux amis qui a eu cette parole sage sur les battures du Saint-Laurent à La Pocatière durant la matinée du 3 avril. Désolé pour les météorologues qui lisent ce message mais je dois lui donner raison! Pour la fin de semaine qui s’achève, on prévoyait des vents de 35-40 km/h du nord-ouest et un maximum de 2°C. Finalement, les vents ont été pratiquement nuls (sauf pour 2-3 heures en soirée le 2 avril) et le mercure a atteint 8°C. Mais, soyons bon prince, pour une fois qu’une erreur nous avantage, je crois bien que personne ne s’en plaindra! Nous aussi, cependant, nous avons eu droit à une petite chute de neige entre 15 h 00 le 1er avril et 9 h 00 le 2. Mais ce n’était que le genre de neige qui excite les oiseaux, qui les rassemble autour des mangeoires et qui, finalement, fond en quelques heures. Donc, rien de vraiment désagréable!
Le 2 avril, alors que la neige finissait de tomber et commençait à fondre, nous avons effectué une sortie ornithologique. Les mangeoires du centre de la ville étaient bel et bien occupées par carouges, quiscales et vachers. En bordure de la municipalité, ce sont 250 Sizerins flammés qui tournoyaient de part et d’autre, probablement un peu stressés par notre premier Faucon émerillon de l’année qui venait d’en cueillir un au passage!
Durant notre tournée, nous avons bien entendu vérifié si nos fidèles Becs-croisés des sapins étaient encore au poste. À notre grande satisfaction, sept oiseaux étaient encore sur place! Rappelons que nous avons vu huit oiseaux à cet endroit pour la première fois le 5 mars dernier. Et pour répondre à la question que certains doivent bien se poser, non, nous ne croyons pas qu’ils nichent sur place. Les oiseaux ont bien été entendus fredonnant leur chant, mais aucun des comportements observés ne se rapproche d’un comportement nuptial. Les becs-croisés sont bien en mesure de nicher même en mars ou avril, mais les quelques cônes de pins ornementaux restants sont probablement tout juste suffisants pour les garder sur place en cette fin d’hiver de disette.
Le dimanche 3 avril fut la plus belle journée de la fin de semaine. Même si nous nous attendions au pire en nous rendant sur les battures tôt le matin (à cause des prévisions météorologiques!), nos craintes ne se sont jamais matérialisées. Même pas besoin de chercher un abri contre le vent, ce qui arrive trop souvent dans la région. Il y avait de bonnes vagues sur le fleuve et les gros blocs de glace encore collés contre la surface gelée des battures nous ont rappelé qu’il y a bien eu quelques fortes bourasques la nuit précédente. Et si les quantités d’oiseaux migrants au large sont encore faibles pour la date, la variété des espèces commence tout de même à nous satisfaire. Et, en plus, nous avons eu droit à quelques surprises.
Voici donc une liste sélective des espèces observées à partir des battures à La Pocatière :
  • 2 Bernaches cravants
  • 5 Bernaches du Canada
  • 42 Canards noirs
  • 4 Canards colverts
  • 7 Canards pilets
  • 3 Sarcelles d’hiver
  • 13 Fuligules milouinans – l’espèce de fuligule la plus souvent rencontrée en eau salée
  • 23 Macreuses à bec jaune
  • 1 Harelde kakawi
  • 36 Garrots à œil d’or
  • 1 Harle couronné
  • 7 Grands Harles
  • 1 Harle huppé
  • 1 Plongeon catmarin – rarement observé depuis le fond de la baie de Sainte-Anne à La Pocatière, particulièrement aussi tôt en saison
  • 5 Cormorans à aigrettes
  • 1 Grand Héron
  • 1 Goéland brun – un adulte se déplaçant au large en compagnie de nombreux Goélands à bec cerclé. Cette espèce fut observée pour la première fois dans la région à Rivière-Ouelle le 17 mai 1983 par des copains. Le deuxième a été trouvé au même endroit le 7 mai 1988 par moi et mon vieil ami (celui qui critique les météorologues!). Durant les années 1990, on voyait cette espèce une année sur deux et depuis le début du nouveau millénaire, elle est annuelle.
  • 2 Petits Pingouins – mes plus hâtifs à vie (ancien record personnel le 8 avril 1994 à Rivière-Ouelle) et rarement vu depuis le rivage à La Pocatière! Le Petit Pingouin est régulier dans la région mais plus facile à observer loin au large, surtout à partir du quai de Rivière-Ouelle.
  • 1 Plectrophane lapon
  • 900 Plectrophanes des neiges
Des goélands ont migré durant une bonne partie de la journée, autant au large du fleuve tôt le matin qu’à l’intérieur des terres plus tard en après-midi.

Les goélands ont profité de la belle température du 3 avril pour migrer durant toute la journée
Goéland argenté - La Pocatière - 3 avril 2011
Nous avons donc terminé la journée avec un total de 41 espèces; nous n’avions pas atteint la quarantaine depuis le 14 novembre dernier!
Même si le quai de Rivière-Ouelle est probablement le site régional le plus réputé pour voir des oiseaux rares, je suis incapable de ne pas visiter régulièrement les battures de La Pocatière! En plus de sa proximité (accessible à pied ou à vélo depuis la ville), les battures servent de lieu d’alimentation pour plusieurs canards barbotteurs, limicoles et laridés que l’on ne voit que passer rapidement au quai. Et il n’y a rien comme une bonne marche de 4 ou 5 heures sur les battures pour remettre le système en place après une semaine de travail! Le site a cependant perdu un peu de son charme depuis son invasion par les Roseaux communs au cours des 15 dernières années.
Ici comme ailleurs dans le sud du Québec, le mois de mars froid et gris a retardé l’arrivée des migrateurs. Présentement, nous avons facilement 10 jours de retard sur la date d’arrivée normale des oiseaux ces dernières années. Ainsi, nous n’avons vu notre premier Junco ardoisé migrateur que le 2 avril!!! Sur les 23 années où j’ai une date d’arrivée pour le junco à La Pocatière depuis 1981, il n’est arrivé plus tardivement qu’à 7 reprises. On ne pouvait pas avoir encore cette année un printemps aussi précoce que celui de 2010… et cela, n’importe qui aurait pu le prévoir sans se tromper!