lundi 31 janvier 2011

Une sittelle de plus...

Samedi le 29 janvier, puisque confirmer l’absence d’oiseaux est probablement aussi important que d’en confirmer la présence, nous avons fait une petite tournée ornithologique dans les forêts à dominance coniférienne de Saint-Onésime, au sud de La Pocatière. Nous avons une fois de plus remarqué à quel point l’hiver 2010-2011 est tranquille chez les oiseaux! Plus nous nous éloignons des habitations, plus le silence en forêt devient lourd. Ce secteur est habituellement plutôt riche en fringillidés mais, cet hiver, les becs-croisés, roselins, tarins et gros-becs ont vraiment déserté la région. À peine une pincée de Durbecs des sapins et de Gros-becs errants étaient près des mangeoires les plus régulièrement entretenues. Comme prévu, trois Mésangeais du Canada nous ont rapidement rejoint dès les premiers sifflements lancés par Christiane, pour profiter des retailles de viande et de pain que nous leurs offrons. Une Mésange à tête brune, une autre espèce fidèle aux conifères à être plutôt rare cet hiver, est venue jeter un coup d’œil rapide mais sans vraiment s’attarder.
Dimanche matin, une petite randonnée de 10 km à pied sur les battures à La Pocatière s’est vite avérée n’être qu’une bonne marche de santé. Là aussi les oiseaux étaient rares, ce qui est un peu normal au cœur de l’hiver. Nous avons tout de même vu un Goéland marin adulte, notre premier à La Pocatière depuis un mois. Ce goéland peut être vu en très petit nombre à partir du quai de Rivière-Ouelle durant tout l’hiver. Toutefois, il ne s’aventure que rarement jusqu’au fond de la baie de Sainte-Anne qui est habituellement couverte de glace en milieu d’hiver. L’observation d’aujourd’hui est un bon signe de l’errance de certains oiseaux même en cette période de l’année.

Sittelles à poitrine blanche et érables centenaires (détail) - acrylique - © Christiane Girard - 2006
 Tôt le matin, en chemin vers les battures, nous avons croisé une des deux ou trois Sittelles à poitrine blanche hivernant à La Pocatière. Dans la région, le statut de cette espèce a changé de façon notable depuis une vingtaine d’années. Cette sittelle niche probablement ici depuis très longtemps, mais elle est toujours très difficile à trouver durant la saison de nidification. Personnellement, je n’ai jamais pu confirmer hors de tout doute sa nidification, même en fréquentant assidûment les érablières durant l’été. Cependant, sa présence de septembre à avril est beaucoup plus évidente aujourd’hui que durant les années 1980. À cette époque, malgré des observations pratiquement quotidiennes aux principales mangeoires de la région, ce n’est qu’en 1989-90 que j’ai enfin pu observer un premier oiseau hivernant à La Pocatière! Par la suite, les choses se sont précipitées avec d’autres oiseaux en 1991-92, 1993-94, 1995-96, etc. Depuis mon retour dans la région en 2003, les Sittelles à poitrine blanche sont maintenant des hivernantes régulières que nous voyons même durant l’automne à certains sites où se concentrent les migrateurs! D’autres oiseaux sont aussi aperçus un peu partout dans la ville. Mais l’espèce est toujours aussi difficile à trouver durant la saison de nidification… D’où viennent donc ces oiseaux hivernants???
Ces présences ont d’ailleurs inspirées Christiane pour la création d’une toile représentant un couple de Sittelles à poitrine blanche parmi des érables centenaires du boisé Beaupré à La Pocatière.

lundi 24 janvier 2011

Les oiseaux et le froid

Nous traversons présentement la première vraie période de froid de l’hiver. À La Pocatière, ce matin, la température était de -25ºC avec des vents de 35-40 km/h. Tout comme nous, les oiseaux doivent s’adapter à ce mauvais moment à passer. Dans la ville, samedi et dimanche, les visites des oiseaux aux mangeoires étaient courtes mais intenses, le temps passé dans les secteurs plus abrités (le long des murs des maisons, dans les conifères les plus denses) étant de toute évidence favorisé. Les oiseaux habituellement présents dans les lieux ouverts étaient eux aussi plus difficiles à trouver : les 75 Étourneaux sansonnets qui fréquentent le nouveau site de compostage étaient pratiquement absents, seulement quatre oiseaux étaient sur place. Le premier des quatre étangs de décantation de la ville, celui dont l’eau est la moins pure, gèle à partir de -10ºC. Dimanche, il était pratiquement glacé sur toute sa superficie et la dizaine de Goélands arctiques qui s’y nourrissent habituellement s’étaient dispersés; un seul individu n’y a fait qu’une brève incursion. Bien entendu, ils seront de retour aussitôt que la température reviendra à la normale… enfin, je l’espère!

Étourneaux sansonnets - La Pocatière - 24 février 2004

Curieusement, il n’y a pas que la modification des habitats naturelles qui peuvent nuire aux oiseaux. La « modernisation » de notre propre habitat crée sûrement des problèmes aux oiseaux qui l’avaient pourtant colonisé. À La Pocatière, il ne reste pratiquement plus de cheminées comme celle de la photo ci-contre (elle-même fut modernisée il y a trois ans) où les étourneaux bénéficiaient gratuitement des pertes de chaleur de nos vieilles habitations.

La seule espèce inhabituelle de la fin de semaine fut un Épervier brun qui survola le centre-ville vendredi après-midi. Depuis mes débuts en ornithologie, j’observe cette espèce dans la région environ deux hivers sur trois. La présence de ces oiseaux ne semble cependant pas s’étirer puisqu’ils ne sont jamais vus plus de deux ou trois jours de suite. Leur présence ne semble pas non plus liée à l’abondance ou non d’éventuelles proies.

lundi 17 janvier 2011

Des Oies des neiges en janvier?


Le 4 janvier dernier, on me signalait la présence de deux Oies des neiges très tardives dans un champ à La Pocatière. Depuis, quelques chutes de neige m’avaient donné l’impression qu’un détour pour vérifier leur présence ne servirait certainement à rien, les oiseaux ayant sûrement quitté pour le sud. Eh bien non! Vendredi le 14 janvier, les oiseaux (quatre cette fois-ci!) ont encore été signalés par un observateur de passage. Hier, nous nous sommes rendus sur place pour voir les oiseaux. Ils étaient là, quatre adultes, couchés simplement dans une champ enneigé. Je me suis approché des oies pour les photographier et, même si elles sont moins farouches que les oies présentes dans la région en automne, elles me surveillaient d’un œil prudent. Elles se sont finalement envolées calmement pour aller se poser dans un autre champ un peu plus loin.

Oies des neiges - La Pocatière - 16 janvier 2011

Il ne semble donc pas que ce soit la mauvaise condition physique de ces oies qui les a obligé à s’attarder dans la région presque malgré elles. Chez les oies, les couples restent fidèles durant toute la vie des oiseaux. Ainsi, si un membre du couple est blessé, il n’est pas rare que son compagnon reste à proximité. Mais les quatre adultes semblaient en pleine santé et volaient très bien. Auparavant, je n’avais observé l’Oie des neiges qu’à une seule reprise en janvier dans la région, soit un oiseau tardif à La Pocatière le 1er janvier 2004.
Avec l’augmentation des effectifs de l’espèce, l’élargissement de leur corridor migratoire et le réchauffement de la planète, il faut s’attendre à ce que certains individus trouvent des sites propices à l’hivernage. Au Québec, depuis le début des années 1990, il existe quelques mentions en janvier et février (incluant des hivernages réussis) et même une à La Pocatière (deux oiseaux le 25 janvier 2002). Cette mention est cependant présentée dans le Bulletin ornithologique du Club des ornithologues de Québec comme provenant du Cap Tourmente alors que le magazine North American Birds la situe à La Pocatière. Dans ce cas-ci, je serais plus porté à croire le COQ!
Est-ce que ces oies réussiront à hiverner dans la région? À mon avis, leurs chances ne sont pas très élevées. Présentement, bien peu de nourriture est disponible dans le secteur qu’elles fréquentent. Lorsque la neige aura complètement recouvert ce qui reste, elles n’auront pas le choix d’aller voir plus loin… mais, plus loin, la nourriture n’est pas forcément plus abondante!

Retour au message du 3 janvier : À propos du Merle d’Amérique blessé à une patte qui tentait d’hiverner à La Pocatière, nous ne l’avons pas vu depuis le 7 janvier. Durant les derniers jours, il se tenait souvent couché au sol, probablement dans le but de reposer sa seule patte encore fonctionnelle.

lundi 10 janvier 2011

Un Lagopède des saules à La Pocatière?


Il y a cet hiver une présence bien marquée de Lagopèdes des saules dans la région du Lac St-Jean. Ces « perdrix blanches » nichant dans la toundra connaissent un pic d’abondance tous les huit à dix ans. L’hiver venu, les oiseaux se dispersent alors vers le sud pour atteindre en nombres variables l’Abitibi, le nord du lac Saint-Jean et la Côte-Nord. Lors de ces périodes d’invasion, un lagopède pourrait-il traverser le fleuve et se retrouver à La Pocatière? À ce sujet, j’ai une petite histoire à vous raconter…
L’hiver 1990-91 fut l’un de ces hivers d’abondance de lagopèdes dans l’est de la province. Plusieurs milliers d’oiseaux sont descendus vers le sud, certains atteignant même Sainte-Rose-du-Nord et La Baie au Saguenay et Bergeronnes sur la Côte-Nord. Les trois oiseaux signalés le plus au sud ont été abattus par des chasseurs à Saint-Siméon (Charlevoix) le 12 janvier ’91.
À cette époque, j’étais très impliqué dans le club d’ornithologie du cégep de La Pocatière. Le mardi 2 avril 1991, alors que je montais une vitrine thématique sur les hiboux à l’entrée de la bibliothèque du cégep, une dame est venue me voir pour me dire tout bonnement avoir vu un lagopède dans sa cour deux ou trois jours auparavant. Je lui ai demandé des détails et elle m’a expliqué qu’elle habitait près du cap Martin, tout juste à l’ouest de La Pocatière. En sortant son chien, elle remarqua un oiseau blanc mangeant des bourgeons dans son prunier. Connaissant déjà un peu les oiseaux, elle reconnut sans mal un lagopède. En voyant le chien, l’oiseau lança des notes décrites comme des « dig-dig-dig », avant de s’envoler et de descendre se cacher dans des buissons situés en contre-bas.
La dame m’ayant fourni son adresse, je me suis rendu le plus vite possible chez elle en compagnie de trois amis ornithologues. La maison est située en bordure de la route 132, tout juste au sommet d’une petit côte, et entourée de champs et d’îlots de conifères. De là, le fleuve est bien visible (les montagnes de Charlevoix aussi…), à moins de 800 mètres. Sur place, j’ai rencontré son mari qui me raconta exactement ce que son épouse m’avait dit. Il m’a montré aussi le prunier situé juste à côté de la maison et les buissons en bas de la pente.
Rapidement, nous avons formé deux équipes pour explorer les environs même si nos espoirs n’étaient pas très élevés. Mon équipe s’est dirigée vers le fleuve en traversant les champs et, surtout, en longeant les clôtures où poussent de nombreux saules (!). Malheureusement pour nous, la neige de ce début-avril était assez dure pour permettre à un lagopède de marcher sans laisser de traces mais assez molle et mouillée pour que deux hommes s’enfoncent presque jusqu’aux genoux à chaque pas. Malgré cela, nous avons réussis à découvrir quelque chose de très intéressant : sous des buissons de saules poussant le long d’une clôture se trouvaient des fientes de gallinacés au fond d’une petite dépression creusée dans la neige, un peu comme celles que laissent les gélinottes en forêt. Un bon signe qu’un gallinacé aimant les habitats partiellement ouverts a récemment fréquenté le secteur. Finalement, nous sommes revenus à la voiture où l’autre équipe était de retour avec encore moins de résultat que nous. C’est ainsi que se sont terminées nos recherches. Et alors, finalement, était-ce bien un lagopède? Tout, je dis bien TOUT, indique que oui! Le seul autre oiseau avec lequel un observateur inexpérimenté pourrait confondre un Lagopède des saules dans la région est un pigeon blanc. La dame a immédiatement identifé l’oiseau comme étant un lagopède et était assez consciente du caractère inhabituel de l’observation pour en parler à son mari et m’aborder pour me raconter l’histoire. Le comportement observé chez l’oiseau élimine aussi le pigeon :
  • un pigeon ne se perche que rarement, sinon jamais, dans un arbre de la taille d’un prunier,
  • un pigeon ne mange pas de bourgeon,
  • un pigeon ne lance jamais de cris ressemblant à des « dig-dig-dig » (un lagopède le fait cependant!!!),
  • un pigeon voulant se cacher d’un chien ne s’enfuirait pas vers un buisson au fond d’un petit ravin.
De plus, les fientes découvertes sous un buisson de saules en bordure d’un champ se trouvaient dans un habitat qu’aucun de nos deux gallinacés (Gélinotte huppée et Tétras du Canada) n’auraient l’idée de fréquenter au début du printemps (la Perdrix grise n’avait pas encore colonisé la région à l’époque).
Mais est-ce qu’un lagopède, qui n’est finalement qu’une poule arctique, est en mesure de traverser le fleuve en volant? Sûrement! En 2005, en Alaska, 125 lagopèdes ont été vus autour d’un bateau voguant entre 8 et 17 km de la côte la plus proche. Certains oiseaux se sont même posés à l’eau, y sont restés une dizaine de minutes avant de s’envoler et de poursuivre leurs déplacements. Une belle indication de la force de vol de ces oiseaux et, surtout, de leur besoin urgent de se déplacer, même au risque de leur vie. Il existe d’ailleurs quatre mentions de Lagopède des saules sur la côte du Maine, la plus récente du 16 mai au 3 juin 2000, et une au Massachusetts. Plus près de nous, le 2 mars 2009, un individu est trouvé mort à Québec, probablement suite à une collision avec un édifice. Alors, à votre avis, un Lagopède des saules a-t-il bel et bien visité La Pocatière le 30 ou le 31 mars 1991?
À noter que les chasseurs s’en donnent à cœur joie avec un gibier aussi insousciant que les lagopèdes lorsqu’ils descendent sous les latitudes habitées. Si les centaines d’oiseaux tués dès qu’ils entrent en contact avec l’espèce humaine étaient laissés en vie, jusqu’où se rendraient-ils…?


lundi 3 janvier 2011

Merle, colvert et Faucon émerillon


Inaugurer un blog en janvier décrivant des observations d’oiseaux n’est peut-être pas la meilleure idée! Surtout lors d’un hiver qui s’annonce pauvre en oiseau comme celui qui débute à peine… Malgré cela, puisqu’il faut commencer quelque part, voici le premier message!!!
Effectivement, l’hiver qui débute risque d’être plutôt décevant ornithologiquement. La raison en est bien simple : peu de nourriture est disponible et pas de nourriture, pas d’oiseau! L’été dernier, les arbres fruitiers (les sorbiers, par exemple) ont produit très peu de fruits qui ont été rapidement consommés par les Étourneaux sansonnets et les Jaseurs boréaux dès le mois d’octobre. C’est la même chose pour les conifères qui n’ont fait pratiquement aucun cône. Cette fois, ce sont les fringillidés (roselins, bec-croisés, tarins) qui doivent chercher leur nourriture ailleurs.



Merle d'Amérique - La Pocatière - 1er janvier 2011

Malgré cela, nous avons réussi à connaître une première fin de semaine de 2011 assez bien remplie. À La Pocatière, un Merle d’Amérique continue à fréquenter un genévrier ornemental contenant encore quelques fruits (voir photo). À noter qu’il est blessé à une patte; il était donc probablement trop faible pour migrer avec les autres. Les chances qu’il réussisse à traverser l’hiver sur une seule patte une fois que son garde-manger sera vide nous semblent assez minces… Surtout qu’il se tient souvent couché au sol pour reposer sa patte encore fonctionnelle et que des chats rôdent dans le secteur. Lors des années de forte production de fruits, quelques merles réussissent facilement à hiverner dans la région.
Une première pour moi dans la région en janvier : un mâle de Canard colvert s’attardait encore à Rivière-Ouelle le matin du 1er janvier. Il se tenait près d’une grange, dans une flaque d’eau créée temporairement par la température anormalement douce. Celui-là devrait mieux s’en tirer que le merle.
Le 2 janvier, à La Pocatière, un Quiscale bronzé est apparu subrepticement près d’une mangeoire où trois individus avaient été vus à la mi-décembre. Dans la région en hiver, ces oiseaux sont complètement dépendants des mangeoires.
Ce matin, le 3 janvier, nous avons réussi à mettre un œil sur un Faucon émerillon qui filait rapidement entre des maisons à La Pocatière. L’Épervier brun et l’Épervier de Cooper depuis peu sont nettement plus réguliers que l’émerillon dans la région en hiver.