mardi 15 mars 2016

Voici enfin MON Faucon gerfaut !

Je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises : un des plus grands plaisirs de l’observation des oiseaux est certainement cette part d’inconnu qui peut transformer une sortie qui s’annonçait banale en un événement vraiment marquant (et le contraire est aussi vrai). C’est ainsi qu’une rencontre faite lors d’une matinée moyenne vendredi dernier siégera dorénavant parmi les observations les plus mémorables de mes 40 années à observer les oiseaux !

Des quatre espèces de faucons qui se rencontrent au Québec, le Faucon gerfaut est de loin la plus insaisissable. Ce géant de l’arctique hiverne surtout dans son aire de nidification, mais un nombre variable d’individus, des immatures surtout, se rendent jusque dans nos contrées à chaque hiver. L’hiver qui se termine a justement été particulièrement riche pour cette espèce dans le sud du Québec. La région du Kamouraska a eu plus que sa part de mentions comme l’indiquent les données d’eBird des derniers mois. Comme ces oiseaux sont très mobiles, le nombre réel d’individus présents dans la région est difficile à déterminer mais, chose certaine, des oiseaux des trois formes de coloration (blanche, grise et sombre) ont été observés. Au moins dix observateurs ont réussi à trouver l’espèce dans la région, certains en ont même vu à deux reprises. Christiane, ma compagne, a réussi le tour de force d’en trouver un durant son heure de dîner ! Et moi dans tout ça ? Rien ! Absolument rien !! Et ce n’est pas faute d’avoir essayé !!! Il est plutôt rare que j’effectue des sorties en visant une espèce en particulier, me contentant habituellement des oiseaux qui sont directement sur ma route. En février, cependant, j’ai effectué plusieurs sorties en ciblant spécifiquement le Faucon gerfaut, mais toujours sans succès !
En janvier dernier, une observatrice de Rivière-Ouelle m’a fait parvenir cette photo pour identification. 
Il s’agit bien sûr d’un Faucon gerfaut de forme sombre, probablement un jeune adulte à en juger par les quelques 
vieilles couvertures alaires de juvénile encore visibles.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 23 janvier 2016 © Céline Bérubé Madore
Vendredi matin, j’ai pu me rendre à Rivière-Ouelle pour ce qui ne devait être qu’une courte sortie de reconnaissance avant la fin de semaine. Comme je m’y attendais, les oiseaux n’étaient pas particulièrement abondants et cette excursion était sur le point de se terminer lorsque j’ai repéré, perché au sommet d’un silo, un oiseau blanc trop mince pour être un harfang. Je l’avais enfin mon Faucon gerfaut !
Les dessous presque immaculés indiquent un oiseau de forme blanche.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
Bien haut perché, pour avoir une belle vue d’ensemble.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
L’oiseau est demeuré longuement sur son perchoir, complètement indifférent aux Plectrophanes des neiges et aux Sizerins flammés qui venaient le frôler. Des pigeons aux tendances suicidaires sont même venus passer à plusieurs reprises directement sous sa position sans le faire réagir. Le gerfaut n’était visiblement pas affamé ! Bien entendu, les corneilles étaient beaucoup plus prudentes et criaient au moindre mouvement du faucon. Finalement, après 40 minutes d’attente, j’ai vu l’oiseau s’envoler du silo et se diriger vers l’embouchure de la rivière.
La base de la queue est tellement large qu’elle se confond avec le corps.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
Je n’ai eu aucune difficulté à le retrouver, posé cette fois au sommet d’un poteau électrique en bordure de la route. Très peu farouche, j’ai pu l’admirer sous toutes ses coutures et voir les détails que mes rencontres précédentes avec cette espèce élusive ne m’avaient pas permis de noter. Il s’agissait d’un adulte, comme l’indiquaient la cire et les pattes jaunes, et probablement d’un mâle puisque sa taille était somme toute plutôt petite (les femelles sont nettement plus grandes que les mâles). Ce fut vraiment une sensation étrange de me retrouver ainsi à moins de 15 mètres de cet oiseau mythique durant plus de 35 minutes. Je me suis même permis d’avancer jusqu’au pied du poteau sans que le faucon ne semble importuné. D’ailleurs, le passage de deux promeneurs accompagnés d’un gros chien ne l’a pas fait réagir non plus. Lorsqu’il s’est finalement envolé, ce ne fut que pour traverser la rivière et se poser au sommet d’un autre poteau, semblable au précédent. Détail intéressant, contrairement aux Harfangs des neiges, les gerfauts ne semblent se percher que rarement sur les isolateurs des poteaux électriques, préférant choisir le sommet plat des poteaux ou leurs barres transversales (et, bien sûr, les silos !). Cette information pourrait aider à concentrer nos futures recherches.
Comment ne pas succomber devant un tel oiseau ?
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
La cire à la base du bec, le cercle périoculaire et les pattes jaunes sont caractéristiques d’un adulte.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
Les sous-caudales des gerfauts sont aussi impressionnantes que celles des Autours des palombes !
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
J’ai donc eu le privilège de passer 75 minutes en tête-à-tête avec un Faucon gerfaut adulte de forme blanche, l’oiseau typique du Haut-Arctique et du Groenland. J’aime à croire que mon oiseau provient d’un des nids trouvés au Groenland et qui sont utilisés par cette espèce depuis 2500 ans ! Il s’agit de ma 46e observation d’un gerfaut, mais seulement la sixième d’un oiseau de forme blanche. Malgré le peu d’observateurs présents en hiver, il existe tout de même quelques mentions de Faucon gerfaut blanc dans la région depuis l’hiver 2003-04. Se pourrait-il qu’un même oiseau revienne nous visiter année après année ???
Un simple portrait !
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
Il n’y avait pas qu’un Faucon gerfaut à Rivière-Ouelle en ce magnifique vendredi 11 mars. J’y ai vu au cours de cette excursion :
  • 10 Canards noirs
  • 6 Garrots à œil d’or
  • 2 Grands Harles
  • 23 Goélands argentés
  • 14 Goélands marins
  • 12 Pigeons bisets
  • 7 Tourterelles tristes
  • 2 Harfangs des neiges
  • 1 Faucon gerfaut

Avez-vous déjà vu un Faucon gerfaut de cet angle ? Il permet de voir les gros yeux globuleux, les arcades sourcilières proéminentes et les tubercules au centre des narines. Ces excroissances servent à diminuer la pression de l’air lorsque ces oiseaux volent à grande vitesse.
Faucon gerfaut (Gyrfalcon – Falco rusticolus) – Rivière-Ouelle – 11 mars 2016 © Claude Auchu
  • 1 Geai bleu
  • 30 Corneilles d’Amérique
  • 4 Grands Corbeaux
  • 5 Mésanges à tête noire
  • 23 Étourneaux sansonnets
  • 40 Plectrophanes des neiges
  • 3 Sizerins flammés
  • 1 Gros-bec errant
  • 3 Moineaux domestiques

Le printemps dernier, j’avais été très satisfait lorsque Christiane et moi avions réussi à voir des Cerfs de Virginie présents de l’autre côté du fleuve à partir du quai de Rivière-Ouelle. Vendredi matin, pendant les moments plus tranquilles au quai (il y en avait beaucoup !), je me suis amusé à scruter les côtes de Charlevoix en espérant cette fois y voir des oiseaux. La bonne visibilité et le fond blanc contrastant des champs enneigés m’ont permis de repérer quatre Corneilles d’Amérique et un Pigeon biset à exactement 15,7 kilomètres de ma position !
Pour bien terminer la journée, j’ai réussi à revoir l’Épervier de Cooper qui rôde dans notre quartier depuis deux mois. Cet oiseau n’est toujours vu qu’en fin de journée.

Samedi matin, malgré les risques de neige et les vents forts du sud-ouest, je suis retourné à Rivière-Ouelle, cette fois en compagnie de Christiane. Le but n’était évidemment pas de retrouver le Faucon gerfaut (ce n’est pas si facile que ça !), mais simplement de faire notre tournée habituelle. Les vents ne nous ont vraiment pas aidés, mais l’avancée du printemps était très perceptible par le nombre de corneilles et de plectrophanes arrivés durant les derniers jours.
Nous espérions secrètement que le vent du sud-ouest nous fournisse de nouveaux canards et goélands, mais nous nous sommes rapidement souvenus que même les oiseaux arrivant du sud préfèrent nettement voler face au vent. Un vent du sud-ouest n’est donc pas nécessairement l’idéal. Les quelques canards aperçus étaient posés à l’eau et se laissaient simplement pousser par les flots.

Voici ce que nous avons observé à Rivière-Ouelle samedi le 12 mars :
  • 11 Grands Harles
  • 6 Harles huppés
  • 8 Perdrix grises – Elles étaient rassemblées sur une toute petite zone libre de neige.
  • 14 Goélands argentés
  • 6 Goélands marins
  • 4 Tourterelles tristes
  • 1 Harfang des neiges
  • 1 Pic mineur
  • 73 Corneilles d’Amérique
  • 5 Grands Corbeaux – Déstabilisé par le vent, un oiseau transportait une branchette dans son bec avec difficulté. Un couple niche depuis quelques années dans les épinettes denses situées entre les bretelles de la sortie 444 de l’autoroute 20. C’est souvent le premier oiseau que nous voyons en entrant à Rivière-Ouelle, perché sur un lampadaire avant même le lever du soleil.
  • 2 Alouettes hausse-col
  • 6 Mésanges à tête noire
  • 1 Sittelle à poitrine rousse
  • 72 Étourneaux sansonnets
  • 1 Plectrophane lapon – Un mâle accompagnait un beau groupe de Plectrophanes des neiges.
  • 290 Plectrophanes des neiges
  • 1 Sizerin flammé
  • 9 Chardonnerets jaunes
  • 1 Moineau domestique

Le soleil était de retour dimanche pour nous permettre de profiter à plein de notre première journée avec l’heure d’été ! Les vents s’étant calmés, nous avons fait une lente balade en forêt, suivi d’un tour complet de la ville.

Nous avons passé l’avant-midi de dimanche le 13 mars à explorer La Pocatière pour y recueillir les espèces suivantes :
  • 1 Grand Harle
  • 1 Gélinotte huppée
  • 4 Goélands à bec cerclé – Comme prévu il y a trois semaines, les « bec cerclé » sont arrivés. Cette date hâtive devient doucement la norme.
  • 2 Goélands argentés
  • 25 Pigeons bisets
  • 3 Tourterelles tristes
  • 6 Pics mineurs
  • 3 Pics chevelus
  • 1 Grand Pic
  • 5 Geais bleus
  • 330 Corneilles d’Amérique – En l’espace de quelques jours, les corneilles sont passées de peu communes à abondantes. Et ça s’entend !
  • 4 Grands Corbeaux
  • 25 Mésanges à tête noire
  • 5 Sittelles à poitrine rousse
  • 1 Grimpereau brun – Même le silencieux grimpereau ressentait assez le printemps pour avoir envie de chanter.
  • 2 Roitelets à couronne dorée
  • 80 Étourneaux sansonnets
  • 12 Plectrophanes des neiges
  • 1 Bruant chanteur – Après de longues pratiques, un des oiseaux hivernants émet maintenant un chant complet !
  • 1 Junco ardoisé
  • 2 Cardinaux rouges
  • 12 Carouges à épaulettes – Cette date d’arrivée est dans la lignée des derniers printemps, mais tout de même 10 jours plus tôt que durant les années 1980. De plus, des oiseaux étaient déjà présents à trois sites différents.
  • 7 Quiscales bronzés – Il s’agit de ma deuxième date la plus hâtive d’arrivée pour cette espèce.
  • 3 Durbecs des sapins
  • 1 Roselin pourpré – Les « top-top » de notre premier Roselin pourpré depuis le 21 novembre n’ont pas échappés à l’oreille de Christiane !
  • 7 Sizerins flammés
  • 4 Tarins des pins
  • 10 Chardonnerets jaunes
  • 120 Gros-becs errants – Une présence des gros-becs à La Pocatière digne des années 1980!
  • 16 Moineaux domestiques

Même en oubliant le Faucon gerfaut, cette fin de semaine aurait été très agréable. À partir de maintenant, nous aurons probablement de nouveaux arrivants à chacune de nos excursions d’ici le mois de juin. Le vrai plaisir commence !