mardi 7 octobre 2014

Petits Pingouins et, surtout, Macareux moines!

Quel vent! Quel bon vent!!! Durant la deuxième moitié de la semaine dernière, un vent modéré du nord-est a soufflé sur la région. Étant bien sûr retenus au travail, nous avons attendu avec impatience la journée de samedi en espérant que le vent ne faiblisse pas et que la pluie abondante prévue pour la fin de semaine retarde son arrivée. Malgré leur froideur parfois à la limite du tolérable, les vents du nord-est sont toujours très appréciés des observateurs en bordure du fleuve, particulièrement durant l’automne.
Les déplacements migratoires des oiseaux sont toujours liés de près à la météo. Avec les nombreux kilomètres que nos oiseaux doivent parcourir pour atteindre leurs quartiers d’hiver, il est tout à fait normal qu’ils utilisent toutes les ressources disponibles pour leur faciliter la tâche. L’automne, ce sont les fronts froids que les migrateurs attendent pour se déplacer. Au passage d’un tel front, les précipitations cessent, le ciel se dégage, la température chute et le vent vire au nord-ouest. Les oiseaux profitent en très grand nombre de ce vent pour filer vers le sud. Si nous sommes chanceux, ces belles conditions de migration dureront deux jours, trois au maximum. Par la suite, lorsque les vents tournent et faiblissent, les oiseaux se déplacent plus lentement, deviennent donc moins visibles et attendent le prochain front froid pour faire un autre sprint vers le sud. Par contre, les vents soufflant du nord-est poussent des oiseaux provenant du golfe Saint-Laurent vers l’intérieur des terres alors qu’ils n’avaient pas nécessairement l’intention de s’y rendre. Ainsi, plus les vents du nord-est persistent longtemps, plus grandes sont les chances que des oiseaux pélagiques se rendent loin en amont du fleuve.

Samedi matin, le vent soufflait du nord-est pour une sixième journée consécutive! Selon les données d’Environnement Canada provenant de La Pocatière, ce vent ne semblait pas très puissant mais, à Rivière-Ouelle, c’est toujours une autre histoire. La pluie devait nous épargner pour la journée, mais le temps était extrêmement sombre tôt en matinée. Nous avons donc décidé de débuter par la partie forestière de notre excursion qui, encore une fois, aura été plutôt décevante. Malgré que nous ayons choisi un site bien abrité du vent, les différentes espèces de bruants n’étaient visiblement pas sur place. À vrai dire, le décor était tellement sombre qu’il aurait fallu que les oiseaux soient très près de nous ou encore très bruyants pour que nous puissions les repérer! Nous avons donc quitté rapidement le boisé pour nous diriger vers le quai où nous étions sûrs que ce fameux vent allait nous tenir bien occupés. Judicieusement abrités des vents, nous avons profité de notre séjour au quai avec l’esprit ouvert à toutes les possibiblités ornithologiques.
En arrivant sur place, vers 8 h 00, nous avons été surpris de constater que la visibilité au large était souvent très bonne, malgré une certaine variabilité. Bien que les canards de mer aient été d’une rareté inexplicable (ils ont encore le temps!), nous ne nous sommes pas ennuyés pour autant. Les vedettes de cette sortie ont été sans contredit les alcidés dont la simple présence ici en octobre n’est jamais garantie. Le Petit Pingouin est commun à Rivière-Ouelle durant l’été, probablement grâce aux colonies des îles de Kamouraska et des Pèlerins situées à 20 et 35 kilomètres plus à l’est, mais il est étrangement irrégulier durant l’automne. Durant les années 1980 et ’90, il était même souvent carrément absent. L’espèce est maintenant plus régulière, mais encore en petit nombre. Samedi dernier, cependant, le pingouin était présent en quantité phénoménale à Rivière-Ouelle. Ils étaient même accompagnés d’un autre alcidé très pittoresque dont la présence confirme que ces alcidés provenaient probablement d’aussi loin que le golfe et non simplement des îles de Kamouraska!

Ce samedi 4 octobre, nous avons patrouillé le territoire de Rivière-Ouelle de 6 h 40 à 13 h 15, dont quatre heures au quai, ce qui nous a rapporté 41 espèces. En voici une partie :
  • 4800 Oies des neiges
  • 25 Bernaches du Canada
  • 147 Canards noirs
Canards noirs (American Black Ducks – Anas rubripes)
Rivière-Ouelle – 4 octobre 2014 © Christiane Girard
 
Les couples commencent-ils déjà à se former?
Remarquez à quel point le mâle, à l'arrière plan avec son bec jaunâtre, est de taille plus grande que la femelle.
Canards noirs (American Black Ducks – Anas rubripes)
Rivière-Ouelle – 4 octobre 2014 © Christiane Girard
  • 64 Eiders à duvet – Les conditions semblaient pourtant parfaites pour assister aux déplacements parfois si spectaculaires de cette espèce.
  • 15 Macreuses à front blanc
  • 9 Macreuses brunes
  • 3 Macreuses à bec jaune
  • 7 Harles huppés
  • 87 Plongeons catmarins
  • 16 Plongeons huards
  • 950 Cormorans à aigrettes
  • 14 Grands Hérons
  • 2 Urubus à tête rouge
  • 1 Pluvier semipalmé
  • 1 Grand Chevalier
  • 1 Bécasseau sanderling
  • 16 Bécasseaux variables
  • 1 Labbe parasite – Un individu a poursuivi longuement un Goéland à bec cerclé dans le but de lui faire cracher son dernier repas. Si on peut féliciter le labbe pour sa ténacité durant cette poursuite effrénée, il ne faudrait surtout pas oublier de rendre hommage au goéland qui s’entêtait à garder pour lui le contenu de son estomac!
  • 86 Petits Pingouins – Sûrement la plus belle quantité dont j’ai été témoin dans la région en automne!
  • 1 Guillemot à miroir – Lui, il attend le mois de novembre pour être abondant.
  • 11 Macareux moines – Nous avons vu pas moins de 11 Macareux moines descendre le fleuve samedi matin!!! Ils se déplaçaient seuls, en duo ou en compagnie de Petits Pingouins. Si l’observation de mon premier macareux à Rivière-Ouelle en octobre 1987 m’avait grandement surpris, je suis bien satisfait de pouvoir maintenant dire que l’espèce est annuelle dans ma région. Les onze oiseaux de samedi représentent en effet notre neuvième mention depuis 2008 et, bien sûr, notre plus grand nombre d’individus. Est-ce l’amélioration des instruments optiques, l’expérience qui nous permet d’identifier les oiseaux de plus en plus loin ou une réelle augmentation des effectifs de l’espèce qui est en cause? Et combien d’oiseaux étaient présents dans la région??? Les colonies les plus près de Rivière-Ouelle, celles des îles Mingan, se trouvent à 540 kilomètres à vol d’oiseau.
  • 12 Mouettes tridactyles – Une autre espèce observée surtout durant les journées de vent du nord-est, bien qu’elle niche tout juste à l’est de Rivière-Ouelle.
  • 700 Goélands à bec cerclé
  • 15 Mésanges à tête noire
  • 8 Sittelles à poitrine rousse
  • 4 Roitelets à couronne dorée
  • 3 Merles d’Amérique
  • 9 Parulines à croupion jaune
Parlant d’alcidés, un résident de Rivière-Ouelle nous racontait récemment se souvenir d’une invasion de « Petits Pingouins », selon ses termes, dont il a été témoin durant les années 1950. Il disait que ces oiseaux étaient présents dans la neige partout le long du rivage à Rivière-Ouelle et qu’un de ses voisins en avait fait naturaliser un (aujourd’hui introuvable). Il m’apparaît certain que ce ne sont pas des Petits Pingouins qui étaient impliqués, mais plutôt des Guillemots de Brünnich qui, jusqu’au milieu du XXe siècle, faisaient irrégulièrement des invasions le long du Saint-Laurent tard à l’automne, certains se rendant même jusqu’à Montréal et Gatineau! Ce qui me surprend le plus dans cette histoire, c’est que ni l’abbé René Tanguay, ni Willie Labrie, deux ornithologues de la région qui avaient de nombreux contacts à l'époque, ne semblent avoir eu connaissance de cette invasion! Les notes de Tanguay ne mentionnent qu’un seul oiseau, qu’il avait capturé à Saint-André le 16 décembre 1950.

La marée haute à 13 h 00 samedi nous a poussé à aller jeter un coup d’œil rapide aux limicoles présents à Kamouraska. Les oiseaux étaient difficiles à observer à ce site très exposé aux vents, mais nous avons tout de même réussi à repérer les espèces suivantes :
  • 120 Pluviers argentés
  • 6 Bécasseaux maubèches
  • 40 Bécasseaux sanderlings
  • 100 Bécasseaux variables
  • 1 Bécasseau à croupion blanc
  • 2 Bécasseaux semipalmés
Nous savons bien qu’un plus grand nombre d’individus étaient présents sur place mais, avec de telles conditions de vents, nous sommes satisfaits des quantités recensées!
Dimanche, la pluie nous a retenus à l’intérieur durant tout l’avant-midi, nous permettant de faire avancer un peu nos autres projets. Dommage, si nous avions eu le choix, ce sont encore les oiseaux qui l’auraient remporté!