mardi 12 mai 2015

Des migrateurs hâtifs

La semaine dernière, le Québec a vraiment été divisé en deux! Le sud-ouest a pu profiter de températures vraiment estivales (30°C!) alors que le reste de la province a dû se contenter d’un mercure tout juste saisonnier. Allions-nous être en mesure de bénéficier des arrivées hâtives de migrateurs que de telles températures hors saison poussent parfois vers le nord? Avec le printemps plutôt frisquet que nous avons connu jusqu’à maintenant, j’aurais cru que non… et pourtant!
À La Pocatière, située pratiquement à mi-chemin entre Montréal et Gaspé, la température maximale de la dernière fin de semaine n’aura été que de 14°C en plus de plusieurs averses qui auraient bien pu hypothéquer nos projets de sorties. Mais nous avons réussi à nous faufiler entre les précipitations et nous sommes ressortis de ces deux journées relativement secs et avec des listes très bien garnies!

Selon les météorologues, trois ou quatre heures sans pluie étaient prévues tôt samedi matin. Au lever du soleil, nous nous sommes donc dirigés en vitesse vers Rivière-Ouelle. À notre arrivée au quai, un petit vent soufflait du sud et la visibilité au large était très moyenne. Mais, une fois nos lunettes d’approche pointées vers le large, nous avons vite remarqué que les oiseaux, les Plongeons catmarins en particulier, avaient décidé que l’on ne s’ennuierait pas! La grosse période de migration des canards est déjà presque terminée, mais l’arrivée des jeunes goélands, des oiseaux de rivage et des passereaux migrateurs (il y a de ça à Rivière-Ouelle aussi!) continue d’ajouter des surprises à nos excursions.

Voici une partie des 74 espèces que nous avons croisées à Rivière-Ouelle samedi le 9 mai entre 5 h 00 et 10 h 50 :
  • 5 Bernaches cravants
  • 1 Canard branchu
  • 3 Canards souchets
  • 2 Fuligules milouinans
  • 29 Petits Fuligules
  • 32 Eiders à duvet

Eiders à duvet (Common Eiders – Somateria mollissima)
Rivière-Ouelle – 9 mai 2015 © Claude Auchu 
  • 17 Macreuses à front blanc
  • 2 Macreuses brunes
  • 925 Macreuses à bec jaune
  • 6 Hareldes kakawis
  • 12 Grands Harles
  • 23 Harles huppés
  • 1967 Plongeons catmarins – Dès notre arrivée au quai vers 5 h 10, un beau déplacement de catmarins vers l’ouest était déjà en branle. Vers 6 h 00, ce mouvement de masse était déjà pratiquement terminé, ce fut bref mais intense. Le nombre de 1967 oiseaux comptés samedi correspond presque exactement au 1977 vus au même endroit deux semaines plus tôt, mais ce n’est bien sûr qu’un hasard. À noter que durant les quelques années où nous avons habité les Escoumins, nous n’avons pratiquement pas vu de catmarins durant la migration printanière (et ce n’est pas faute d’avoir cherché!). Vers la mi-mai, à chaque fois que nous prenions le traversier vers Trois-Pistoles, sur la rive sud du Saint-Laurent, le nombre de catmarins augmentait drastiquement dès que nous approchions de l’île aux Basques. Cet oiseau semble vraiment apprécier la rive sud dans l’estuaire.
  • 1 Plongeon huard – Notre seul Plongeon huard volait vers le nord-est, dans le sens contraire des catmarins.
  • 2 Grèbes jougris
  • 1 Fou de Bassan
  • 314 Cormorans à aigrettes
  • 3 Grands Hérons
  • 1 Urubu à tête rouge
  • 1 Busard Saint-Martin – Un Grand Corbeau a réussi à dérober un carouge ou un quiscale que le busard avait capturé dans un champ.
  • 1 Pluvier semipalmé – Il est arrivé dans la région relativement tôt, ma date d’arrivée printanière la plus hâtive est le 8 mai 2009 et 2011.
  • 2 Pluviers kildirs
  • 2 Grands Chevaliers

Grand Chevalier (Greater Yellowlegs – Tringa flavipes) et Pluvier kildir (Kildeer – Charadrius vociferus)
Rivière-Ouelle – 9 mai 2015 © Claude Auchu
  • 3 Petits Chevaliers
  • 20 Bécasseaux minuscules – Ma date d’arrivée la plus hâtive pour ce bécasseau est le 6 mai 1984.
  • 4 Petits Pingouins – Étrange le petit nombre de pingouins ce printemps! L’an dernier, nous avions  vu plus d’une centaine d’oiseaux en une matinée en avril.
  • 1 Mouette tridactyle
  • 3 Mouettes de Bonaparte
  • 800 Goélands à bec cerclé
  • 400 Goélands argentés – Beaucoup de goélands immatures sont arrivés depuis une semaine. Ils vont graduellement remplacer les adultes qui, eux, irons rejoindre les colonies. L’arrivée des jeunes correspond habituellement au fraie des capelans. D’ailleurs, samedi, des Bélugas circulaient souvent à moins de 50 mètres du quai.
  • 3 Goélands arctiques
  • 1 Goéland brun – Un immature en plumage de 2e année.
  • 15 Goélands marins
  • 1 Martin-pêcheur d’Amérique
  • 1 Pic chevelu
  • 3 Pics flamboyants
  • 1 Crécerelle d’Amérique
  • 2 Faucons émerillons
  • 3 Geais bleus
  • 35 Corneilles d’Amérique
  • 3 Grands Corbeaux
  • 11 Hirondelles bicolores
  • 5 Hirondelles rustiques
  • 1 Moqueur roux – Un oiseau était de retour près du site de nidification de l’été dernier.
  • 1 Pipit d’Amérique
  • 2 Parulines à joues grises
  • 16 Parulines à croupion jaune
  • 1 Bruant hudsonien
  • 10 Bruants familiers
  • 2 Bruants des prés
  • 22 Bruants chanteurs
  • 1 Bruant des marais
  • 42 Bruants à gorge blanche
  • 19 Bruants à couronne blanche
  • 6 Juncos ardoisés
  • 190 Carouges à épaulettes
  • 1 Quiscale rouilleux
  • 92 Quiscales bronzés

La présence hâtive du Pluvier semipalmé et des Bécasseaux minuscules à Rivière-Ouelle samedi matin nous indiquait que la chaleur du sud du Québec avait peut-être permis à certaines espèces de remonter prématurément jusqu’à nous. La journée de dimanche s’annonçait sous les averses mais, si elles ne sont pas trop intenses, elles pourraient bien interrompre les migrations et nous laisser la possibilité d’en profiter!

Dimanche, après une nuit bien arrosée, la pluie avait cessé au petit matin. Un épais brouillard recouvrait cependant la région, mais ce n’était pas assez pour nous empêcher de sortir! Nous nous sommes rapidement dirigés vers un de nos sites forestiers favoris où une belle variété de nouveaux arrivants nous attendaient. Comme nous l’espérions, mais sans trop y croire, plusieurs espèces étaient nettement en avance sur leur horaire habituel. Depuis plus de 30 ans, je note religieusement mes observations quotidiennes et j’ai un fichier de près de 120 pages contenant les dates de mes premières et dernières observations annuelles. Avec toutes ces données, je réussis souvent à prévoir avec précision à quel moment je verrai une espèce en particulier. Bien sûr, le vrai plaisir est lorsque les espèces déjouent mes prévisions en arrivant trop tôt. Dimanche, ce fut le cas pour plusieurs espèces; vous trouverez les détails dans la liste qui suit.

À La Pocatière, dimanche le 10 mai, nous avons observé 68 espèces entre 7 h 00 et 11 h 40. En voici un large échantillon :
  • 400 Oies des neiges
  • 6 Grands Hérons
  • 22 Urubus à tête rouge – Par ce matin brumeux, tous ces oiseaux étaient posés dans un champ ou sur les piquets de clôture, tout juste au pied de la montagne qui leur sert de dortoir.
  • 2 Busards Saint-Martin
  • 1 Buse à queue rousse
  • 5 Chevaliers solitaires – Mes notes n’indiquent que trois arrivées plus hâtives dans la région en près de 30 ans. Il s’agit également d’un bon nombre d’individus pour une telle date.

Chevalier solitaire (Solitary Sandpiper – Tringa solitaria)
La Pocatière – 10 mai 2015 © Claude Auchu
  • 6 Pics maculés
  • 10 Pics mineurs
  • 2 Pics chevelus
  • 2 Pics flamboyants
  • 3 Grands Pics – Le nid trouvé il y a trois semaines semble bel et bien occupé. Dimanche, nous avons eu la chance de voir le mâle aller remplacer la femelle au nid. Un troisième oiseau a été entendu dans un autre boisé.
  • 1 Faucon émerillon
  • 1 Moucherolle tchébec – Pour ce petit insectivore, je n’ai que deux arrivées plus hâtives dans la région.
  • 1 Tyran huppé – Pour cet autre, il s’agit de ma deuxième date d’arrivée la plus hâtive, la première remontant au 7 mai 1990.
  • 6 Viréos à tête bleue
  • 66 Hirondelles bicolores
  • 1 Hirondelle à front blanc – Je n’ai que deux arrivées plus hâtives dans la région, mais j’avais vu cette espèce aussi tôt que le 15 avril en 2002 lorsque j’habitais aux Escoumins, sur la Haute-Côte-Nord. L’Hirondelle à front blanc niche dans plusieurs villages de ce secteur et elle est beaucoup plus facile à trouver qu’à La Pocatière.
  • 3 Hirondelles rustiques
  • 1 Grimpereau brun
  • 3 Grives solitaires
  • 1 Grive des bois – Cette mention égale ma présence printanière la plus hâtive dans la région, établie en 1992 (et je me souviens très bien de cette mention en particulier!).
  • 45 Merles d’Amérique
  • 4 Parulines couronnées – Seulement deux arrivées plus hâtives.
  • 1 Paruline à joues grises
  • 5 Parulines masquées – Trois arrivées plus hâtives et toutes du 8 mai, en 1983, 1993 et 2004.
  • 1 Paruline tigrée – Deux arrivées plus hâtives.
  • 2 Parulines à collier – Deux arrivées plus hâtives pour cette espèce également.
  • 1 Paruline bleue – Trois arrivées plus hâtives en plus de 30 ans.
  • 24 Parulines à croupion jaune
  • 2 Parulines à gorge noire
  • 27 Bruants familiers
  • 6 Bruants des prés
  • 22 Bruants chanteurs
  • 1 Bruant de Lincoln – Seulement deux arrivées plus hâtives selon mes notes.
  • 6 Bruants des marais
  • 55 Bruants à gorge blanche
  • 47 Bruants à couronne blanche
  • 2 Juncos ardoisés
  • 1 Goglu des prés – Cette espèce est arrivée à six reprises avant le 10 mai, mais ma mention la plus hâtive n’est que le 7 mai.
  • 40 Carouges à épaulettes
  • 45 Quiscales bronzés
  • 1 Vacher à tête brune
  • 1 Oriole de Baltimore – La présence la plus hâtive dans la région, la précédente étant le 15 mai 1992.

Oriole de Baltimore (Baltimore Oriole – Icterus galbula)
La Pocatière – 10 mai 2015 © Claude Auchu
  • 40 Roselins pourprés
  • 60 Tarins des pins – Les jeunes tarins ont commencé à quitter leurs nids et des groupes vont bientôt se reformer.
  • 30 Chardonnerets jaunes
  • 4 Gros-becs errants

Il est tout de même dommage que les risques de pluie nous aient empêchés de faire cette randonnée à vélo. En circulant lentement en voiture sur les routes de campagne, nous avons pensé à tous les oiseaux supplémentaires que nous aurions pu repérer à l’oreille.
Malgré des averses irrégulières en début d’après-midi, nous n’avons pu résister à la tentation de retourner à Rivière-Ouelle. La pluie ne nous a laissé que peu de répit, mais les 90 minutes passées sur place nous ont tout de même permis de voir :
  • 2 Sarcelles à ailes bleues – Un peu à l’image de nos passereaux qui passent l’hiver sous les tropiques, ce canard qui hiverne aussi dans ces régions a beaucoup diminué depuis 20 ans. Que ce passe-t-il donc là-bas?
  • 1 Chevalier grivelé – Je n’ai que trois arrivées plus hâtives dans la région.
  • 1 Grand Chevalier – Cet original nageait au milieu d’un étang en cueillant sa nourriture à la surface, tel un phalarope.
  • 12 Goélands bruns – Onze oiseaux ont été trouvés parmi un groupe de 200 goélands dans le même champ où 9 autres Goélands bruns étaient présents il y a deux semaines! Cette fois, cet attroupement était composé d’un immature en plumage de 2e année, deux de 3e année et de huit individus qui nous ont semblé être en plumage adulte. Un autre adulte a aussi été observé près du quai. Il n’y a pas si longtemps, chaque observation de cette espèce nécessitait une description détaillée!

Voilà, c’est le portrait d’une fin de semaine bien ordinaire si on ne pense qu’à la météo, mais extraordinaire lorsque l’on pense aux oiseaux que cette météo nous a procurés!