lundi 27 juin 2011

Des non-nicheurs nombreux et variés

À la fin du mois de juin, nous sommes en plein cœur de la période de nidification de la très grande majorité des espèces d’oiseaux du Québec. Mais quelle est réellement la proportion des oiseaux que l’on voit qui nichent vraiment? Bien sûr, le pourcentage varie selon les espèces et, surtout, la taille des espèces. Chez les plus petits passereaux qui ne vivent que trois ou quatre ans, chaque saison est importante et une année de nidification ratée peut faire la différence entre une augmentation ou une diminution de la population. Chez les espèces plus grandes, comme les goélands et les rapaces, les oiseaux n’atteignent leur maturité sexuelle qu’à quatre ou cinq ans. Et à voir le nombre de goélands adultes qui errent loin des colonies durant tout l’été, s’abstenir durant une saison ne semble pas vraiment créer de problème.
Vendredi le 24 juin, durant une longue randonnée à vélo, j’ai bien sûr croisé surtout des espèces en pleine nidification. Mais j’ai aussi rencontré quelques espèces que je sais ou je suppose être non-nicheuses pour l’été 2011.
J’avais à peine entrouvert la porte au petit matin que j’ai croisé la première espèce. Une Grive fauve criait quelque part entre les arbres chez le voisin. Qu’est-ce qu’une Grive fauve peut bien faire dans la ville un 24 juin? Les arbres dans mon quartier sont de bonne taille, mais il n’y a pas vraiment de sous-bois et, surtout, ils sont tout de même en ville! Il est évident que cet oiseau ne nichera pas cette année pour une raison que j’ignore. Peut-être s’agit-il d’un oiseau à sa première année? Un oiseau malade ou trop faible qui se fait continuellement repousser des meilleurs habitats par les oiseaux dominants? Ou encore un oiseau qui est arrivé trop tard et qui n’a pas réussi à trouver de territoire (si c’est le cas, je pourrais lui montrer de très bons sites pour les Grives fauves qui sont encore inoccupés!)?
À peine 400 mètres plus loin, j’ai trouvé un mâle chanteur de Troglodyte familier. La Pocatière se trouve à la limite nord-est de l’aire de distribution de l’espèce au Québec. Je ne réussis donc que rarement à l’ajouter à ma liste annuelle des oiseaux de la région. Curieusement, ce mâle chantait sur le chemin que j’emprunte deux fois par jour pour aller et revenir de mon travail! Je n’ai pas la prétention de réussir à voir tous les oiseaux qui sont présents sur ma route, mais si le troglodyte est arrivé vers le 20 mai et qu’il chante au 10 secondes comme vendredi matin, il me semble que je l’aurais repéré plus tôt! J’ai donc nettement l’impression qu’il vient tout juste de s’installer à cet endroit. A-t-il réussit (ou réussira-t-il) à se trouver une femelle? Je l’espère car il ne m’est arrivé qu’à une seule occasion de trouver un nid de cet énergique petit chanteur dans la région! Pour l’instant, je considère encore mon troglodyte comme étant un non-nicheur…
Bruant des plaines - La Pocatière - 24 juin 2011
En passant, je suis allé jeter un coup d’œil au Bruant des plaines trouvé il y deux semaines. Il était toujours au même endroit, chantant encore une seule note au lieu des trois traditionnelles pour son espèce. Devrais-je le considérer comme un non-nicheur lui aussi? Peut-être puisqu’il est tout en dehors de son aire de nidification connue (qui, au Québec, s’étend de façon discontinue de l’Abitibi au Saguenay-Lac-Saint-Jean et du sud de Montréal jusqu’à Québec). Mais, si des mâles chanteurs sont trouvés jusque dans le Bas-Saint-Laurent et sur la Côte-Nord à chaque année, il y a sûrement aussi quelques femelles qui se perdent!
Plus tard au cours de mon excursion, j’ai rencontré un mâle de Fuligule milouinan qui nageait paisiblement sur le fleuve. Chez les canards qui se reproduisent dans le nord du Québec, plusieurs individus non-nicheurs passent l’été dans l’estuaire du Saint-Laurent. Il s’agit souvent d’oiseaux âgés d’un an qui sont encore trop jeunes pour mener à terme une nichée. Les espèces les plus remarquables et les plus nombreuses sont sûrement les macreuses (particulièrement les Macreuses à front blanc), mais je réussis à voir quelques milouinans pratiquement à chaque été. Dans la moitié sud du Québec, le Fuligule milouinan ne semble nicher qu’aux Îles-de-la-Madeleine.
Un peu plus loin, c’est un Bécasseau variable qui s’est retrouvé sur mon chemin. Chez les limicoles aussi, plusieurs oiseaux non-nicheurs estivent loin au sud de leur aire de nidification (parfois même sur leur territoire d’hivernage en Amérique du Sud!). Mais pour ces oiseaux dont la nidification se fait en un temps éclair (à peine plus d’un mois pour les plus petites espèces!), il est souvent difficile de faire la différence entre les oiseaux qui se dirigent vers leurs sites de nidification, ceux qui en reviennent et ceux qui ne s’y rendront jamais. Par exemple, il n’est pas inhabituel de rencontrer des Bécasseaux minuscules en migration vers le nord qui sont encore dans la région de La Pocatière le 10 juin. Mais, dès le 5 juillet, on voit apparaître les premiers migrateurs redescendant vers le sud après avoir accompli leur devoir conjugal! Mais si je vois un oiseau le 25 juin, est-ce un migrateur dans un sens ou dans l’autre ou un estivant? Pour le Bécasseau variable que j’ai vu le 24 juin, je peux assurer qu’il s’agit d’un non-nicheur et, dans ce cas, mon tout premier ici au cœur de l’été. Il s’agissait d’une femelle, reconnaissable à son bec particulièrement long; lorsque je l’ai repéré de loin aux jumelles, j’ai même cru avoir affaire à un Bécassin roux!
Bécasseau variable - La Pocatière - 24 juin 2011
Bécasseau variable - La Pocatière - 24 juin 2011
Bécasseau variable - La Pocatière - 24 juin 2011

Encore plus tard, en plein champ agricole, c’est un Butor d’Amérique qui s’envole d’un fossé devant moi! Oui, c’est vrai, cette espèce niche dans la région, mais pas dans les champs! D’ailleurs, s’il y a un habitat qui fait franchement défaut à La Pocatière, c’est bien un grand marais d’eau douce! Je connais bien quelques petits marais où le butor a sûrement déjà niché, mais je ne vois pas pourquoi un oiseau nicheur s’éloignerait ainsi de son habitat pour aller chercher des grenouilles pour ses poussins en bordure d’un champ (surtout que les grenouilles sont très répandues avec le temps pluvieux que nous connaissons). Donc, pour moi, ce butor aussi est un oiseau qui saute une saison de nidification.
Finalement, mon excursion du 24 juin montre à quel point les oiseaux qui ne se reproduisent pas à chaque année sont nombreux et variés. Espérons seulement qu’il y a assez d’oiseaux intéressés à se reproduire pour faire augmenter les populations…