lundi 16 avril 2012

Un avant-goût du mois de mai

Puisque la météo joue toujours un rôle déterminant dans l’ornithologie de terrain, je me dois encore une fois de débuter ce billet en parlant du « temps qu’il fait ». Pour la fin de semaine du 14-15 avril, on annonçait enfin un changement de masse d’air comme je l’espérais la semaine dernière. Le vent du nord, après deux semaines à souffler pratiquement sans arrêt, a finalement diminué pour tourner au sud-ouest. Pour le 14 avril, le vent devait être léger mais, pour dimanche le 15, il devait se lever durant la nuit et souffler à plus de 30 km/h durant toute la journée, en apportant avec lui des averses. Nous espérions bien sûr que ces vents allaient enfin nous amener la vague de migrateurs tant attendue. Il faut dire que, depuis la fin de mars, nous avions l’impression d’observer toujours les mêmes espèces.

Mais, avant le début officiel de la fin de semaine, il y avait d’abord le vendredi après-midi! Et, comme je ne suis pas superstitieux, j’ai profité d’un peu de temps libre en ce vendredi 13 avril pour aller patrouiller rapidement les battures à La Pocatière. Pas encore de trace des canards barbotteurs dont l’abondance doit pourtant être à son meilleur à la mi-avril. Avec le temps doux de la mi-mars et l’arrivée hâtive de plusieurs espèces à ce moment, j’ai de la difficulté à croire que la majorité des canards ne soient pas encore arrivés… À moins qu’ils ne soient tous passés sans s’arrêter…! 
Malgré que mon excursion ne soit vite devenue qu’une simple promenade de santé, j’ai tout de même trouvé un Bihoreau gris hâtif. Cette espèce a connu une baisse de population encore inexpliquée dans la région. Alors qu’il était facile d’en observer une dizaine à chacune de mes excursions à La Pocatière ou Rivière-Ouelle durant les années 1980-90, chaque rencontre avec l’espèce est maintenant un événement. Il est étrange que la population de ce petit héron ait diminué à ce point alors que celle du Grand Héron est restée stable et que la Grande Aigrette soit visiblement en augmentation (et sur le point d’être annuelle dans ma région)!

Comme ma randonnée de vendredi m’a indiqué que les battures de La Pocatière ne méritaient probablement pas qu’on lui consacre un avant-midi, c’est encore sur Rivière-Ouelle que nous avons misé samedi. Nous sommes demeurés dans la municipalité de 5 h 45 à 11 h 15, dont trois heures au quai. Les conditions étaient pratiquement parfaites pour le printemps, avec une température passant de 6 à 12°C, un vent léger à modéré du sud-ouest (bien sûr, à l’automne, ce sont des vents du nord-est qui sont privilégiés) et une visibilité excellente au large. En tout, ce sont 52 espèces qui se sont présentées devant nos yeux, dont 20 espèces d’anatidés (oies, canards) mais, encore une fois, les barbotteurs se sont laissés désirer.

Voici en partie ce que nous avons observé samedi le 14 avril :
  • 2500 Oies des neiges
  • 35 Bernaches cravants – Plusieurs de ces oiseaux se déplaçaient haut dans le ciel, ce qui est plutôt inhabituel pour les cravants. J’ai l’impression qu’elles arrivaient de loin…
Bernaches cravants – Rivière-Ouelle – 14 avril 2012 © Claude Auchu
  • 350 Bernaches du Canada
  • 1 Canard branchu
  • 97 Canards noirs
  • 13 Canards colverts
  • 90 Canards pilets
  • 15 Sarcelles d’hiver
  • 2 Fuligules à tête rouge – L’espèce est irrégulière dans la région immédiate de La Pocatière, probablement à cause de l’absence de marais d’eau douce.
  • 17 Fuligules à collier
  • 20 Fuligules milouinans
  • 1 Petit Fuligule
  • 79 Eiders à duvet
  • 16 Macreuses à front blanc
  • 1 Macreuse brune – Notre première cette année. C’est toujours la dernière macreuse à se présenter dans la région, habituellement dans les tout derniers jours d’avril. Curieusement, c’est aussi la seule macreuse que j’ai déjà observée dans le cœur de l’hiver (février) lorsque j’habitais aux Escoumins. Assez solide pour hiverner, mais trop frileuse pour migrer hâtivement!?!
  • 1500 Macreuses à bec jaune
Macreuse à bec jaune, mâle immature – Rivière-Ouelle – 14 avril 2012 © Claude Auchu
  • 3 Hareldes kakawis
  • 33 Garrots à œil d’or
  • 54 Grands Harles
  • 89 Harles huppés
  • 747 Plongeons catmarins – Ils se sont déplacés vers le sud-ouest sans arrêt durant les 180 minutes passées au quai! À noter que les catmarins, même s’ils sont abondants à Rivière-Ouelle, ne sont pas pour autant faciles à admirer. Ils se tiennent toujours loin au large et un bon téléscope est indispensable pour en faire une observation satisfaisante. D’un autre côté, ils sont tellement nombreux que l’on s’habitue rapidement à leur « jizz » et qu’on réussit à aller les chercher à plusieurs kilomètres au large!
  • 90 Cormorans à aigrettes
  • 5 Grands Hérons
  • 3 Urubus à tête rouge
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 3 Buses pattues
  • 3 Goélands arctiques
  • 1 Mouette tridactyle
  • 42 Petits Pingouins
  • 28 Alouettes hausse-col – Les alouettes auraient-elles entendu mes inquiétudes de la semaine dernière? Enfin quelques oiseaux ont été vus…
  • 2 Hirondelles bicolores
  • 6 Sittelles à poitrine rousse
Je me dois de souligner ici la capacité que possède Christiane, ma chère compagne, de regarder dans son téléscope en gardant ses deux yeux grands ouverts! En plus de voir les oiseaux circuler loin au large grâce à son œil droit collé à l’oculaire, son œil gauche peut encore repérer ceux qui passent tout juste devant nous. Elle dit que c’est une habileté qu’elle a développée rapidement mais, personnellement, je suis incapable de m’y faire…

Pour la journée de dimanche, tout allait dépendre du vent et de la pluie annoncés. Nous avions décidé d’une promenade à vélo dans les rangs, promenade qui allait varier en durée selon les conditions que nous allions avoir à affronter. Aussitôt sortis de la maison à 6 h 30, les chants vigoureux et variés des oiseaux nous ont annoncé qu’il s’était passé quelque chose durant la nuit! Oui, enfin!, il y avait eu un mouvement de migrateurs la nuit précédente! Durant la première minute et en roulant trois coins de rue à vélo, nous avions déjà ajouté deux espèces à notre liste annuelle!

Notre excursion de presque six heures s’est finalement faite sous un ciel variable sans aucun vent (!) et pratiquement aucune goutte de pluie. Ce dimanche 15 avril, nous avons observé 55 espèces, dont :
  • 8 Canards chipeaux
  • 1 Canard souchet
  • 7 Fuligules à collier
  • 1 Fuligule milouinan
  • 8 Petits Fuligules
  • 2 Gélinottes huppées
  • 3 Urubus à tête rouge – Vers 6 h 45 le matin, un oiseau est trouvé perché sur une minuscule branchette dans le cœur d’un érable! Heureusement pour lui que les vents n’ont pas soufflé à 30 km/h la nuit précédente comme prévu!
  • 2 Busards Saint-Martin
  • 2 Faucons émerillons
  • 5 Pluviers kildirs
  • 2 Bécassines de Wilson
  • 100 Goélands argentés
  • 2 Goélands arctiques
  • 2 Pics maculés
  • 7 Pics mineurs
  • 1 Pic chevelu
  • 7 Pics flamboyants
  • 1 Grand Pic
  • 8 Moucherolles phébis
  • 60 Alouettes hausse-col
  • 1 Grimpereau brun
  • 3 Troglodytes des forêts
  • 7 Roitelets à couronne dorée
  • 135 Merles d’Amérique
  • 1 Plectrophane lapon
  • 1 Bruant des prés – Le 15 avril était déjà ma date la plus hâtive pour un Bruant des prés dans ma région, établie la première fois en 1991. Cette espèce semble toutefois arriver de façon massive puisque ma date d’arrivée printanière est habituellement le 20 avril, soit seulement cinq jours après mon record!
  • 140 Bruants chanteurs – Ça chantait beaucoup et partout! Comme Christiane a dit : « Quand il n’y aura plus de Bruants chanteurs, ce sera la fin du monde! ». Rien de moins!
  • 1 Bruant à gorge blanche
  • 12 Juncos ardoisés
  • 45 Carouges à épaulettes
  • 1 Quiscale rouilleux
  • 12 Vachers à tête brune
  • 2 Roselins familiers – Une espèce toujours rare dans la région, elle semble avoir beaucoup de difficulté à s’installer ici.
  • 52 Tarins des pins
Ce fut vraiment une fin de semaine comme on les aime! Beaucoup d’oiseaux, une belle variété d’espèces (73 espèces de vendredi à dimanche), une température acceptable et un bel avant-goût du mois de mai. Et dire qu’il reste encore deux fins de semaine en avril!!!

Un petit ajout de dernière minute pour une observation particulière faite lundi le 16 avril. Durant nos pauses au travail (passées à l’extérieur, bien entendu), nous avons observé un jeune Tarin des pins hors du nid réclamé à grands cris de la nourriture à ses parents! C’est tôt en saison mais, jusqu’à maintenant, l’année 2012 est très favorable aux tarins : après un hiver avec une abondance inhabituelle de graines de conifères, un printemps précoce permet à l’espèce de nicher sans trop se préoccuper des écarts de température et ils peuvent profiter des graines tombées au sol durant l’hiver. Surveillez bien vos silos à chardon : les intrépides petits tarins vont bientôt y arriver avec leurs oisillons!