mardi 6 novembre 2012

Le passage des canards de mer

J’ai l’impression que la semaine dernière a été difficile pour la majorité des oiseaux habitant le long de la côte atlantique de l’Amérique du Nord! L’énorme ouragan Sandy qui a frappé la côte est du continent mardi le 30 octobre a interrompu la migration de plusieurs espèces et en a déporté d’autres. Par exemple, pas moins de 58 Labbes pomarins et 3 Océanites cul-blanc ont été observés en Pennsylvanie, à un site pourtant situé à 225 kilomètres de l’océan! Si les océanites ont été transportés à cet endroit par l’ouragan, il est probable que les labbes aient plutôt été bloqués alors qu’ils migraient au-dessus des terres… Qui sait ce qui passe au-dessus de nos têtes durant les migrations!?!
Si, au Québec, nous avons évité les éléments destructeurs de l’ouragan, des vents du nord-est associés à la dépression ont tout de même soufflé avec force de lundi à mercredi. Peu de nos oiseaux semblent avoir été découverts hors de leur aire normale suite à ces intempéries, ce qui est peut-être dû au fait que le tout s’est déroulé en milieu de semaine, alors que les observateurs étaient occupés ailleurs. Chose certaine, si j’en avais eu la chance, c’est en bordure du fleuve que l’on m’aurait retrouvé mercredi et jeudi matin! Mais, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai dû attendre à vendredi pour essayer de profiter de ce que ces vents du nord-est ont pu transporter jusqu’ici depuis le golfe Saint-Laurent. C’est donc bien entendu à Rivière-Ouelle qu’allait s’amorcer notre fin de semaine.

Cependant, l’excursion de vendredi matin a débuté au ralenti. Depuis la maison, tout juste avant le lever du jour, le temps était clair et aucune trace de précipitation n’était visible. Mais aussitôt que nous avons mis les pieds à l’extérieur, un petit crachin s’est mis à tomber et des bancs de brouillard ont commencé à recouvrir la ville. Nous avons donc fait notre entrée à Rivière-Ouelle sous la pluie et dans un brouillard à couper au couteau. Ne pouvant rien espérer au quai dans de telles conditions de visibilité (elle était parfois limitée à 30 mètres!), nous avons décidé de commencer par la partie forestière de notre programme. Après de trop longues minutes d’attente, nous nous sommes risqués à sortir de la voiture et à chercher des oiseaux… surtout à l’oreille. Le début de novembre étant ce qu’il est (surtout cette année!), la récolte forestière a été plutôt limitée. Heureusement, le brouillard a commencé à se dissiper et le temps est même devenu particulièrement limpide.
C’est à ce moment qu’une espèce que nous n’avions jamais rencontrée auparavant s’est présentée devant nous! J’imagine que plusieurs seront surpris, mais cette nouvelle espèce à nos listes est un simple Bécassin à long bec!!! Eh non! nous n’avions encore jamais observé cette espèce, pourtant présente annuellement à Montmagny (à 45 minutes de route de La Pocatière) depuis 20 ans!!! Le fait de concentrer nos efforts sur un territoire restreint limite bien sûr nos chances de dénicher des nouveautés avec régularité. Mais, contrairement au Pic à ventre roux trouvé il y a deux semaines, le Bécassin à long bec a fait son apparition directement sur ma liste honorable et j’en suis fier! Nichant le long de la côte arctique de la Sibérie et en Alaska, le Bécassin à long bec se retrouve au Québec à la limite nord-est de son corridor de migration. Il y a à peine 30 ans, il était encore considéré comme un migrateur accidentel. Il atteint notre région plutôt tardivement avec un pic d’abondance en octobre, soit près d’un mois après que le Bécassin roux ait quitté le Québec. Je me souviens d’ailleurs que le 21 octobre 2003, toujours à Rivière-Ouelle, nous avions vu un bécassin en vol sans avoir pu l’identifier. À une telle date, nos chances d’avoir rencontré d’un Bécassin à long bec étaient sûrement bien près de 100%! Mais nous avions préféré être prudents… comme d’habitude!
Après toutes ces émotions, nous nous sommes précipités au quai de Rivière-Ouelle. Sur place, les conditions étaient idéales, si ce n’est des petits vents qui commençaient à souffler du sud-ouest. Les mouvements d’oiseaux étaient plutôt limités et nous avons eu nettement l’impression que tous les oiseaux que l’on voyait posés au large se reposaient après avoir été secoués par les vents durant les jours précédents! Beaucoup de gros troncs d’arbres (branches et racines comprises!) dérivaient devant le quai, montrant à quel point des vents forts du nord-est au moment des grandes marées d’automne peuvent endommager les rivages!

Notre excursion à Rivière-Ouelle, vendredi le 2 novembre, nous aura tout de même fourni 45 espèces, dont :
  • 4000 Oies des neiges
  • 20 Bernaches du Canada
  • 102 Canards noirs
  • 3 Canards pilets
  • 153 Eiders à duvet
  • 43 Macreuses à front blanc
  • 5 Macreuses brunes
  • 155 Macreuses à bec jaune
  • 21 Hareldes kakawis
  • 1 Garrot à œil d’or
  • 4 Grands Harles
  • 40 Plongeons catmarins
  • 3 Plongeons huards
  • 1 Grèbe jougris
  • 1 Océanite cul-blanc – C’est l’espèce que, secrètement, nous espérions voir! Sa présence au large de Rivière-Ouelle semble annuelle d’août à novembre, mais sa détection n’est pas toujours facile… il est tellement petit! Il peut sembler surprenant qu’un oiseau d’apparence si chétive réussisse à survivre aux tempêtes en pleine mer, mais ces oiseaux sont d’une résistance surprenante. En Norvège, dans une colonie située au nord du cercle arctique, les Océanites cul-blanc (qui sont nocturnes au moment de la nidification) doivent attendre que le soleil recommence à se coucher en août pour nicher! Les oisillons quittent donc le nid en décembre!!!
  • 1 Grand Héron
  • 1 Pygargue à tête blanche – Un immature en plumage de première année a été repéré depuis le quai, arrivant directement de Charlevoix. Il est surprenant qu’il se soit risqué à traverser les 15 kilomètres d’eau salée durant un matin brumeux avec des vents du sud-ouest!?!
  • 2 Buses pattues – Une demi-heure après le pygargue, c’est une Buse pattue qui s’est présentée devant le quai après avoir traversé le fleuve. La pattue est reconnue pour ne pas craindre de traverser les grands cours d’eau, contrairement à la majorité des rapaces diurnes.
  • 1 Faucon émerillon
  • 3 Pluviers semipalmés – Trois oiseaux tardifs, à seulement quatre jours de ma date record.
  • 6 Grands Chevaliers
  • 2 Bécasseaux semipalmés – Comme les pluviers, ces oiseaux quittent habituellement la région avant la fin d’octobre.
  • 1 Bécassin à long bec – La vedette de la journée accompagnait les chevaliers et il a heureusement lancé son cri caractéristique à plusieurs reprises. Nous étions probablement les seuls ornithologues au Québec à ne pas avoir cette espèce sur leur liste! Maintenant, voilà, c’est fait! Nous n’avions pas eu de nouveauté depuis notre Tourterelle turque du 29 août 2009, soit 1161 jours! Qui dit pire?
  • 4 Mouettes tridactyles
  • 300 Goélands à bec cerclé
  • 25 Goélands argentés
  • 50 Goélands marins
  • 2 Guillemots à miroir
  • 3 Mésanges à tête brune
  • 1 Troglodyte des forêts
  • 2 Roitelets à couronne dorée
  • 12 Jaseurs boréaux
  • 3 Plectrophanes des neiges
  • 4 Juncos ardoisés
  • 9 Durbecs des sapins
  • 25 Sizerins flammés
  • 2 Tarins des pins
Cette journée, bien que satisfaisante grâce au bécassin, nous a laissé un arrière-goût d’inachevé. Les prévisions météorologiques pour les deux journées suivantes allaient peut-être nous permettre de nous reprendre.

Samedi matin, le vent étant léger, nous sommes allés patrouiller les battures du fleuve à La Pocatière, suivi d’une tournée dans les routes de campagne. Comme c’est souvent le cas tôt le matin en novembre, il faisait très sombre à l’extérieur et identifier visuellement les premiers passereaux rencontrés nous a même donné quelques difficultés. Lorsque le temps est devenu plus lumineux, des groupes de macreuses circulant au large des battures étaient visibles, mais malheureusement trop loin pour être identifiées.

Ce samedi 3 novembre, nous n’avons croisé que 30 espèces durant les 4 h 45 de notre promenade à La Pocatière. Voici les principales :
  • 8200 Oies des neiges – Durant tout l’avant-midi, un bon mouvement vers le sud-ouest a été noté chez les Oies des neiges.
  • 16 Bernaches du Canada
  • 90 Canards noirs
  • 7 Canards colverts
  • 2 Grands Hérons
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 1 Buse pattue
  • 65 Tourterelles tristes – Un groupe de plus de 60 oiseaux se nourrissaient dans un champ!
  • 1 Pic chevelu
  • 1 Grand Pic
  • 13 Geais bleus
  • 23 Alouettes hausse-col
  • 28 Mésanges à tête noire
  • 1 Roitelet à couronne dorée – Il était caché parmi des Roseaux communs sur les battures, très loin de tout conifère!
  • 75 Jaseurs boréaux
  • 10 Bruants hudsoniens
  • 6 Juncos ardoisés
  • 11 Durbecs des sapins
  • 9 Sizerins flammés
  • 12 Tarins des pins
  • 13 Moineaux domestiques
Le souvenir des macreuses se déplaçant au large des battures samedi matin nous est resté en tête. En plus, on annonçait de bons vents du nord-ouest pour dimanche, ce qui allait sûrement convaincre les derniers migrateurs de descendre vers le sud. La tentation était trop forte, nous avons décidé de retourner à Rivière-Ouelle, en espérant un meilleur passage de canards de mer (macreuses, eiders, hareldes…) que vendredi.
C’est avec fébrilité que nous nous sommes levés dimanche matin, comme si quelque chose nous annonçait une belle journée. Effectivement, elle fut frisquette, mais belle! Comme nous l’espérions, de belles troupes de canards de mer ont circulé vers le sud-ouest durant tout l’avant-midi (et probablement aussi en après-midi, après notre départ!) et nous en avons bien profité!

Dimanche le 4 novembre, nous avons exploré Rivière-Ouelle de 6 h 20 à 12 h 20 (dont 3 h 30 à résister au vent au quai!), ce qui nous a permis de trouver 45 espèces, telles :
  • 1000 Oies des neiges – Il y avait beaucoup moins d’oies que ces dernières semaines. Gageons que celles vues survolant La Pocatière la veille ont emmené avec elles les oiseaux de Rivière-Ouelle!
  • 51 Bernaches du Canada
  • 85 Canards noirs
  • 2 Canards pilets
  • 2 Sarcelles d’hiver
  • 66 Fuligules milouinans
  • 235 Eiders à duvet
Eiders à duvet – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
  • 1295 Macreuses à front blanc – Il s’agit du plus grand nombre que j’ai rencontré dans ma région!
  • 71 Macreuses brunes
  • 255 Macreuses à bec jaune
  • 2700 Hareldes kakawis – De longs rubans de ces superbes canards ondulaient en passant devant le quai. Plusieurs groupes contenaient plus de 150 oiseaux, le dernier noté avant notre départ comptait même 450 individus! De toute beauté!
Hareldes kakawis – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
Notez le Manoir Richelieu à l'arrière-plan!
Hareldes kakawis – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
Hareldes kakawis – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
  • 7 Petits Garrots
  • 43 Garrots à œil d’or
  • 3 Grands Harles
  • 41 Harles huppés
  • 150 Plongeons catmarins – Il ne s’agit pas d’une approximation, ces 150 oiseaux ont été comptés un à un, la majorité en vol vers le nord-est.
  • 6 Plongeons huards
  • 6 Grèbes jougris
  • 2 Cormorans à aigrettes
  • 1 Grand Héron
  • 1 Busard Saint-Martin
  • 1 Buse pattue
  • 6 Grands Chevaliers
  • 16 Bécasseaux violets – Douze oiseaux sont venus se poser parmi les pierres bordant le quai.
Bécasseau violet – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
  • 3 Bécasseaux variables
  • 1 Bécassin à long bec – Notre nouveauté de vendredi était toujours dans le même secteur. Cette fois, nous avons eu le loisir de voir plus en détail ce juvénile en mue très avancée. Tout comme vendredi, il nous a laissé entendre son « kik » caractéristique.
À remarquer son bec très court (tout étant relatif), qui indiquerait un mâle.
Bécassin à long bec – Rivière-Ouelle – 4 novembre 2012 © Claude Auchu
  • 3 Mouettes tridactyles
  • 300 Goélands à bec cerclé
  • 50 Goélands argentés
  • 75 Goélands marins
  • 6 Guillemots à miroir
  • 1 Pipit d’Amérique
  • 2 Juncos ardoisés
  • 16 Durbecs des sapins
  • 2 Becs-croisés bifasciés
  • 52 Sizerins flammés
  • 1 Tarin des pins
  • 7 Moineaux domestiques
Dans mes archives, la journée de dimanche passera à l’histoire pour le nombre et la variété de canards de mer observés. Je me demande toujours jusqu’où peuvent bien se rendre les kakawis et les macreuses à l’ouest de Rivière-Ouelle. Ils font probablement comme les eiders et finissent par s’envoler au-dessus des terres vers la côte atlantique. Mais à partir d’où?