mardi 4 avril 2017

Une frontière pour les Garrots d'Islande

Je n’ai pu me faire à l’idée que j’allais terminer le mois de mars sans avoir vu un seul canard! La dernière semaine ayant été nettement moins hivernale que les trois précédentes, j’ai fait un rapide aller-retour au quai de Rivière-Ouelle vendredi après-midi pour sauver la face. Malgré que le mois de mars 2017 aura été un des plus froids des dernières années, l’absence de canards à ma liste du mois m’aurait toujours paru comme une tache à mon dossier.

Ainsi, vendredi le 31 mars, les trente minutes passées au quai de Rivière-Ouelle m’ont permis de voir quatre Macreuses à bec jaune, deux Garrots à œil d’or et un Grand Harle. Ces trois espèces sont tout à fait normales dans la région à la fin de mars (nous avions d’ailleurs vu un garrot au quai lors du redoux de la fin de février), l’observation de ces canards vendredi ne passera pas à l’histoire… du moins, pas autant que si je les avais ratées!

C’est donc avec l’esprit tranquille que j’ai pu débuter le mois d’avril, celui qui commence toujours avec des bancs de neige de plus de trois mètres devant les maisons, mais qui se termine avec l’arrivée des premières hirondelles et parulines!!! Puisque les passereaux forestiers tardent toujours à arriver et que, Dieu merci, les canards ont réussi à se faufiler jusqu’à nous, il a été décidé que c’est sur eux que nous allions concentrer notre fin de semaine.

Samedi matin, j’ai effectué une sortie en solo à Rivière-Ouelle. Notre beau grand fleuve était enfin presque totalement libre de glaces; c’est à se demander comment le fleuve a réussi à se dégager si rapidement en une semaine?!? Seuls les rivages et le fond des baies les plus profondes sont encore encombrés de glaces morcelées qui ne tarderont pas à disparaître à leur tour. Les conditions sur le terrain étaient très agréables avec une température frôlant le point de congélation et un petit vent du nord-est soufflant à moins de 15 km/h. La visibilité sur le fleuve, toujours importante mais difficile à prévoir, était excellente et même les oiseaux les plus distants ont pu être identifiés sans problème. Même s’ils n’étaient pas encore abondants, ils se déplaçaient en très petits groupes, ce qui m’a gardé bien occupé. La première rencontre avec chaque nouvelle espèce pour l’année à provoqué chez moi une petite poussée d’adrénaline comme seuls les oiseaux semblent capable de produire!

Samedi le 1er avril, entre 6 h 10 et 11 h 05, le retour des oiseaux aquatiques m’a permis de trouver 27 espèces sur le territoire de Rivière-Ouelle :
  • 15 Bernaches cravants
  • 3 Canards noirs – Les rivages et les champs encore gelés ralentissent sûrement l’avancée migratoire des canards barbotteurs.
  • 6 Fuligules milouinans
  • 1 Eider à duvet – Seule une femelle a été observée, volant vers l’estuaire. Les eiders se dirigeant vers l’est vus à partir du quai le printemps ont habituellement atteint le fleuve après avoir survolé les terres depuis la côte atlantique. Cette femelle a-t-elle fait ce trajet toute seule???
  • 24 Macreuses à bec jaune
  • 4 Hareldes kakawis
  • 22 Garrots à œil d’or
  • 10 Grands Harles
  • 28 Harles huppés
  • 2 Tourterelles tristes
  • 1 Petit Pingouin – Malgré le printemps froid, cet oiseau peut être considéré comme hâtif. Au fil des années, je n’ai observé l’espèce qu’à trois reprises en mars. Hivernant sur les Grands Bancs de Terre-Neuve, le Petit Pingouin atteint dans notre région la limite amont de son aire de nidification dans le Saint-Laurent.
  • 1 Guillemot à miroir – Celui-là hiverne tout près, il n’a qu’à traverser le fleuve pour atteindre ma région!
  • 15 Goélands à bec cerclé

Chez les goélands, les mâles sont nettement plus gros que les femelles.
Goélands à bec cerclé (Ring-billed Gulls – Larus delawarensis)
Rivière-Ouelle – 1er avril 2017 © Claude Auchu
  • 30 Goélands argentés
  • 5 Goélands marins
  • 6 Plongeons catmarins – Les catmarins sont finalement de retour! Cette espèce est tellement facile à observer à Rivière-Ouelle (pour qui s’en donne la peine…) qu’elle en est presque l’emblème.
  • 2 Cormorans à aigrettes
  • 1 Harfang des neiges – Un autre était également présent à La Pocatière.
  • 1 Geai bleu
  • 50 Corneilles d’Amérique
  • 1 Grand Corbeau

Grand Corbeau (Common Raven – Corvus corax)
Rivière-Ouelle – 1er avril 2017 © Claude Auchu
  • 2 Alouettes hausse-col
  • 1 Mésange à tête noire
  • 60 Étourneaux sansonnets
  • 1 Moineau domestique
  • 3 Durbecs des sapins
  • 2 Plectrophanes des neiges

L’ordre des espèces dans la liste qui précède vous a peut-être semblé inhabituel. Il s’agit de la plus récente version de la liste taxinomique de l’American Ornithological Society. Je l’utilise depuis janvier dernier mais, avec l’arrivée des cormorans et des plongeons, les modifications vous paraîtront nettement plus évidentes. Mais on s’y habituera, comme à tout le reste!
C’est encore à Rivière-Ouelle que je me suis dirigé dimanche matin, mais cette fois accompagné de Christiane. Les conditions étaient encore très belles, bien qu’un petit rideau de brume soit venu passer tout juste derrière nous.
Voici ce que nous avons pu trouver à Rivière-Ouelle dimanche le 2 avril entre 6 h 10 et 9 h 30 :
  • 8 Bernaches cravants
  • 2 Canards noirs
  • 1 Canard colvert
  • 1 Fuligule milouinan
  • 15 Macreuses à bec jaune
  • 18 Garrots à œil d’or
  • 2 Garrots d’Islande – Les Garrots d’Islande sont toujours remarquablement rares à Rivière-Ouelle. Dimanche, un couple se laissait dériver loin au large du quai.
  • 13 Grands Harles
  • 75 Harles huppés
  • 2 Perdrix grises – N’eut été de l’œil de lynx de Christiane, ces deux oiseaux blottis dans une petite touffe d’herbe auraient surement passé inaperçu. Au début d’avril, il s’agissait probablement d’un couple... une bonne raison pour ne pas les déranger.
  • 1 Pigeon biset
  • 1 Tourterelle triste
  • 20 Goélands à bec cerclé
  • 15 Goélands argentés
  • 5 Goélands marins
  • 1 Plongeon catmarin
  • 45 Corneilles d’Amérique
  • 5 Alouettes hausse-col
  • 6 Mésanges à tête noire
  • 85 Étourneaux sansonnets
  • 8 Plectrophanes des neiges
  • 1 Bruant hudsonien
  • 1 Junco ardoisé
  • 1 Carouge à épaulettes
  • 2 Vachers à tête brune

Le fleuve étant encore tranquille à Rivière-Ouelle, nous avons décidé d’aller jeter un coup d’œil à Kamouraska. Sauf lors du passage des bécasseaux en septembre et octobre, nous ne prenons que rarement de temps de visiter ce secteur pourtant situé à seulement une trentaine de kilomètres de notre demeure. Il faut dire que les différents sites de Rivière-Ouelle nous tiennent déjà bien occupés!
La marée commençait à peine à baisser lorsque nous sommes arrivés à Kamouraska. Comme nous nous en doutions, très peu de canards étaient sur place et même les eiders manquaient au rendez-vous. Au loin, cependant, de petits groupes de garrots étaient visibles près des îles. Une fois les trépieds dépliés et les télescopes installés, nous n’avons été qu’à moitié surpris de constater qu’il s’agissait de Garrots d’Islande. Christiane a pris le temps de les compter un à un pour arriver à l’excellent total de 59 individus! Malgré que nous ne voyions cette espèce à Rivière-Ouelle que deux ou trois fois par année (!!!), il existe des mentions de plusieurs dizaines de Garrots d’Islande à Kamouraska, à seulement quelques minutes de vol de Rivière-Ouelle. Sur la rive sud du fleuve, il semble donc que la limite amont pour ce canard se trouve quelque part entre les deux municipalités. La disponibilité d’une simple source de nourriture absente plus à l’ouest peut bien avoir dessiné cette frontière!