Dimanche le 6 février, nous avons eu la surprise de découvrir un Junco ardoisé à une mangeoire de La Pocatière que nous visitons pourtant à chaque semaine depuis le début de l’hiver. Et samedi dernier, le 12 février, c’est un Bruant à gorge blanche que je trouve à une autre mangeoire du même secteur! Mais où étaient donc ces oiseaux durant les semaines précédentes?
Précisons pour commencer que je ne crois pas que les bruants, sauf exception, puissent hiverner dans la région de La Pocatière sans avoir recours aux mangeoires. L’exception est le Bruant hudsonien qui, de toute évidence, est plus résistant que ses cousins. Peut-être a-t-il un régime alimentaire plus « élastique » que les autres bruants et qu’il peut ainsi trouver plus facilement de la nourriture. Ou encore a-t-il simplement une constitution plus résistante. Toujours est-il que, localement, le Bruant hudsonien est le seul bruant à oser s’éloigner des mangeoires au cœur de l’hiver. D’ailleurs, cette année, nous avons un petit groupe de trois à cinq hudsoniens qui errent dans le secteur où nous avons trouvé le junco et le Bruant à gorge blanche en s’arrêtant parfois aux mangeoires. Au début des années 1990, j’ai même déjà rencontré un hudsonien en pleine forêt en plein mois de février sans une seule mangeoire présente à proximité; il est évident que cet oiseau trouvait en forêt tout ce qui était nécessaire à sa survie.
Peu d’espèces de bruants ont osé traverser la saison froide dans ma région au fil des années. Le plus régulier est tout de même le Junco ardoisé (jusqu’à une quinzaine d’oiseaux certains hivers), suivi du Bruant hudsonien (aussi en petits groupes), du Bruant à gorge blanche et du Bruant chanteur. Le seul autre bruant a avoir hiverné dans la région que je couvre régulièrement est un Bruant familier que j’ai vu les 8 et 21 mars 2004 à La Pocatière. La date moyenne d’arrivée printanière dans la région étant le 20 avril, il est évident que cet oiseau avait réussi à hiverner incognito!
Curieusement, durant les sept hivers que nous avons passés aux Escoumins, les bruants hivernant y étaient nettement plus faciles à trouver qu’à La Pocatière. En janvier ou février, il n’était pas rare de voir un bruant apparaître subitement à une mangeoire pourtant inspectée régulièrement! Plus de bruants réussissent donc à hiverner en forêt sur la Côte Nord comme nous en avons été nous-mêmes témoins à plusieurs reprises. En effet, durant les journées les plus froides de janvier et février 1997, nous avons régulièrement observé jusqu’à sept Juncos ardoisés suivant les groupes de Bec-croisés bifasciés. Les juncos se nourrissaient des graines que les bec-croisés échappaient en fouillant dans les cônes de conifères! Et ces juncos redevenaient invisibles aussitôt que la température remontait!
Tout semble donc indiquer que le Junco ardoisé trouvé le 6 février et le Bruant à gorge blanche vu samedi dernier étaient présents sur place depuis un certain temps. Malgré nos recherches (et nos plaintes que l’hiver 2010-11 est sans surprise chez les oiseaux), il est évident que certaines de ces petites bêtes à plumes continuent quand même à nous déjouer.