Une partie de la population d’eiders qui niche le long de la rive sud de l’estuaire migre au-dessus des terres entre la limite ouest de l’eau salée, soit à la hauteur de Montmagny, et leurs quartiers d’hiver sur la côte atlantique. Ces déplacements sont connus depuis longtemps et ont été documentés dans le périodique The Wilson Bulletin en 1976.
Pour ma part, j’observe depuis plusieurs années cette migration, alors que des groupes d’eiders remontent le fleuve en longeant le rivage de très près. J’avais depuis longtemps remarqué que ces déplacements étaient nettement plus marqués lorsqu’un vent du nord ou du nord-est souffle. Ce vent n’a pas besoin d’être violent, une simple brise peut suffir, mais il faut qu’il provienne du nord ou du nord-est! Il est très évident que, contrairement aux océanites et aux autres espèces provenant du golfe, le déplacement des eiders vers Québec en automne est tout à fait normal pour l’espèce. Par contre, un vent du nord/nord-est ne garantit pas non plus une présence marquée d’eiders à Rivière-Ouelle.
Samedi le 5 novembre, comme à notre habitude, nous sommes arrivés au quai de Rivière-Ouelle juste avant le lever du soleil. À ce moment, nous avons vraiment craint que le vent du sud-ouest annoncé pour l’après-midi ne se lève plus tôt que prévu. D’autant plus qu’à notre arrivée, le vent qui aurait dû souffler du nord à 15 km/h était déjà pratiquement nul! Mais, comme la semaine dernière, nous avons repéré notre premier groupe d’eiders en sortant de l’auto! Par la suite, en jetant de fréquents coups d’œil vers l’est, on voyait pratiquement toujours un groupe d’eiders se diriger vers nous. De mon côté, je surveillais régulièrement un drapeau situé près d’un chalet afin de vérifier l’origine du petit vent que l’on ressentait à peine au bout du quai. La plupart du temps, cette brise soufflait du nord et, d’après mon expérience, il favorisait le beau déplacement d’eiders dont nous étions témoins.
Mais, comme je l’appréhendais, le vent (et le drapeau) a tourné au sud. Curieusement, à ce moment, une bande d’eiders qui s’approchait de nous s’est posée à l’eau tout juste à l’est du quai. La marée montante aidant, les canards ont doucement dérivé pour passer très lentement devant nous (d’ailleurs, il est bien possible que cette marée montante est joué un rôle motivateur dans les déplacements notés samedi matin). À ce même moment, nous avons repéré un méga-groupe d’eiders très loin vers l’est, probablement au large du village de Saint-Denis. Malheureusement, comme les eiders devant nous, cette horde d’oiseaux s’est posée à l’eau. Malgré la convection bien présente ce matin-là, nous avons pu évaluer cette masse de canards à au moins 2000 individus même si, à partir du quai, seule la blancheur des mâles était vraiment visible!
Eiders à duvet – Rivière-Ouelle – 5 novembre 2011 © Claude Auchu |
Quelques minutes plus tard, je dis à Christiane : « Tiens, le vent vient de retourner au nord! ». Et comme par hasard, les eiders qui dérivaient devant nous se sont envolés pour continuer leur route vers l’amont!!! Ce phénomène s’est produit à une autre reprise, nous amenant cette fois la masse d’oiseaux qui s’était posée à l’eau loin à l’est quelques minutes plus tôt. Pendant que je prenais quelques photos (en cherchant un éventuel Eider à tête grise), Christiane se dépêchait à compter les oiseaux comme elle aime tant faire. Et le nombre d’oiseaux dans ce groupe?… Plus de 5500 oiseaux!!! C’est plus en un seul groupe que ma meilleure journée à vie pour cette espèce!!! C’était vraiment hallucinant de voir tous ces oiseaux briser leur formation de vol afin de contourner le quai et d’entendre le bruissement de leurs ailes. Il est probable qu’il s’agissait du rassemblement de plusieurs groupes qui avaient dû interrompre leur vol au même endroit en raison de vents contraires.
Les eiders s’approchent du quai... Eiders à duvet – Rivière-Ouelle – 5 novembre 2011 © Claude Auchu |
Je dois signaler que certaines de mes observations faites depuis de nombreuses années entre en contradiction avec ce qui est écrit dans The Wilson Bulletin. Par exemple, les eiders n’aiment pas de toute évidence se déplacer avec un vent du sud-ouest. Et le nombre de mâles ne diminue pas avec l’avancée de l’automne (ce serait même le contraire!). Il est vrai que mes observations s’étendent sur près de 30 ans et que la population d’Eiders à duvet dans le haut-estuaire a sûrement changé depuis le milieu des années 1970…
Une partie du groupe de 5500 eiders contrournant le quai devant nous Eiders à duvet – Rivière-Ouelle – 5 novembre 2011 © Claude Auchu |
Mais la journée de samedi ne fut pas que consacrée à compter des eiders. Notre excursion a duré six heures et nous avons réussi à voir 48 espèces, même si les passereaux se font de plus en plus rares.
Voici un liste partielle des espèces notées :
- 1 Oie rieuse – Le même adulte que la semaine dernière, toujours présent au même endroit.
- 2000 Oies des neiges
- 36 Bernaches du Canada
- 38 Canards noirs
- 2 Canards colverts
- 1 Canard pilet
- 4 Sarcelles d’hiver
- 1 Fuligule milouinan
- 11700 Eiders à duvet – Quelle matinée!!! …mais pas encore d’Eider à tête grise!
- 6 Macreuses à front blanc
- 6 Macreuses brunes
- 57 Macreuses à bec jaune
- 123 Hareldes kakawis
- 72 Garrots à œil d’or – Une belle quantité pour la saison.
- 2 Garrots d’Islande – Deux femelles.
- 29 Grands Harles – Les rivières du nord commenceraient-elles à geler?…
- 84 Harles huppés
- 67 Plongeons catmarins
- 1 Plongeon huard
- 4 Grèbes jougris
- 4 Cormorans à aigrettes
- 3 Grands Hérons
- 1 Busard Saint-Martin
- 2 Buses pattues
- 1 Pluvier argenté
- 1000 Goélands à bec cerclé
- 4 Mouettes tridactyles
- 7 Petits Pingouins
- 17 Guillemots à miroirs – C’est toujours en novembre que le guillemot est le plus abondant à Rivière-Ouelle.
- 70 Pigeons bisets
- 55 Corneilles d’Amérique
- 2 Roitelets à couronne dorée
- 120 Étourneaux sansonnets
- 3 Juncos ardoisés
- 19 Becs-croisés bifasciés
- 8 Sizerins flammés
- 230 Tarins des pins
- 21 Chardonnerets jaunes
Ce fut une belle matinée à Rivière-Ouelle, à constater l’avancement de l’automne… Le nombre de canards barbotteurs a vraiment diminué depuis un mois et les canards de mer sont maintenant dominants. D’ici un mois, ce seront eux qui disparaîtront de la région.
Pour la journée de dimanche, un horrible vent du sud-ouest soufflait encore. Un petit détour jusqu’à Kamouraska ne nous a fourni qu’une douzaine de Bécasseaux sanderling et un Bécasseau variable. L’automne avance…